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le Jeudi 23 juin 2011 13:01 Politique

Potin, poutine et politique Ah les relations publiques!

Potin, poutine et politique Ah les relations publiques!
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Walt Humphries qui tient une chronique amusante au Yellowknifer reprochait récemment au gouvernement de ne pas utiliser le site de partage vidéo YouTube pour faire la promotion des Territoires du Nord-Ouest. Pauvre Walt. Ça ne lui ferait pas de mal de le consulter parfois avant d’écrire son papier, l’internet.

Il aurait pu constater que, loin de l’image d’analphabète technologique qu’il leur prête, les doreurs d’image du territoire sont plutôt du type pitoneux. La chaîne YouTube de Tourisme Canada, par exemple, offre une vingtaine de clips promotionnels portant spécifiquement sur les TNO. En mars, la Northern Frontier Visitor Association a pris l’initiative de payer aux blog-trotters AlexAndLuke.com une semaine de vacances à Yellowknife afin qu’ils puissent mettre en ligne quelques clips de ballade en traîneau à chien – sur YouTube entre autres, Walt – et prétendre à leurs abonnés Twitter qu’ils s’amusent comme des petits fous ici.

Et ce n’est pas le seul faux blog qui fait la promo des TNO sur la vaste toile. L’an dernier le ministère de l’Industrie du Tourisme et de l’Investissement a lancé ComeMakeYourMark.com, une sorte de forum bidon où de nouveaux arrivants fanfaronnent à propos de leurs cheminements de carrière. Walt sera heureux d’apprendre que le site offre quelques clips vidéo mettant en vedette des mannequins locaux –  non rémunérés à ce qu’on m’a dit.

La campagne s’étend également sur les réseaux sociaux, ce qui constitue, pour ainsi dire, un #EpicFail communicationnel digne de mention. Tout juste 213 usagers «aiment» la page Facebook de Come Make Your Mark, dont la vaste majorité habite déjà les TNO. Et @MarkNWT, l’avatar Twitter d’un publiciste de Yellowknife qui se fait passer pour un jeune homme s’établissant dans le Nord, n’a a peu près pas d’abonnés à l’extérieur du territoire. Et, oui Walt, Come Make Your Mark opère sa propre chaîne YouTube. La dernière fois que je l’ai visitée, les six vidéos postées là totalisaient environ 700 vues, ce qui, j’ai peur de le dire, est à peu près aussi populaire que le clip «NWT Premier Floyd Roland Does the Grouse Dance».

C’est que, voyez-vous, les expériences du gouvernement des TNO avec le web 2.0 manquent un brin de sex-appeal. Ces derniers mois, les relationnistes du bureau du premier ministre, réactualisant ce vieil adage romain à propos du pain et des jeux, nous ont offert la webcam 24h du pont Dehcho. Nous sommes tellement fiers de notre pont! Pour garder les cubicules dégourdis, il y a aussi «On the Air», un podcast où les fonctionnaires lisent des communiqués et des brochures à haute voix. Et je m’en rongerais l’index double-cliqueur jusqu’à l’os si j’omettais ici CreatingOurFuture.ca qui, avec son grand total de 54 soumissions en ligne, a probablement établi un record d’indifférence électronique. Au risque de me répéter, cette campagne a coûté 850 000 $.

On ne peut pas en vouloir au gouvernement de tenter de tirer profit du web participatif, mais ses tentatives dénotent une incompréhension totale du mode opératoire de l’outil. Le net est, depuis le début, le média du pauvre, l’ultime dazibao. Ce qui fait sa force, c’est son authenticité, et c’est d’autant plus vrai à l’heure du contenu généré par les usagers. Les approches par le haut, qui empestent le PR, sont vite repérées par les internautes qui préféreront toujours ce qui vient de la base.

Pendant que le gouvernement offre de juteux contrats à des firmes de relations publiques pour monter des campagnes web que personne ne consulte, des sites citoyens développés à coût minimal dans des sous-sols par des amateurs suscitent un vif intérêt du public. Je pense, par exemple, à YKonline.ca, nominé pour un Western Canada Social Media Award, ou aux streams de George Lessard qui ont été repris par rabble.ca, un grand webzine canadien en ligne depuis 10 ans. Imaginez si on les payait.

 

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Plusieurs personnes m’ont demandé ce que je pensais du changement de nom du ministère des Affaires indiennes – pardon, autochtones. Alors voilà, je pense que c’est hypocrite et absurde.

Absurde, parce que le ministère se retrouve avec un nom différent de la loi sur laquelle il repose, la Loi sur les indiens. Il semble que le gouvernement Harper soit déterminé à abolir cette loi, ou du moins à la remplacer. On verra. Mais d’ordinaire, il est d’usage de s’attaquer à l’âpre débat législatif d’abord, puis, une fois ce calvaire terminé, de régler la question du papier entête. L’approche actuelle est un peu celle d’un cycliste qui arriverait au départ du Tour de France en maillot jaune en se disant que, de toutes manières, il finira premier.

Hypocrite, parce que cette mesure cosmétique sert à masquer le bilan pas très reluisant de l’administration fédérale actuelle dans ses relations avec les Premières nations. En six ans de gouvernement conservateur, combien d’ententes de revendications territoriales ont été conclues au Canada? Deux, chacune en décembre 2006, donc négociées sous les Libéraux.

Et n’abordons même pas la question de l’autonomie gouvernementale. Pour la mémoire, la bande à Stephen était le seul groupe parlementaire à s’opposer à la L’Accord Tlicho quand la Chambre des Communes l’a adoptée en 2005. Ils trouvaient que le seul accord d’autonomie gouvernementale aux TNO donnait trop de pouvoirs aux autochtones. Dans un câble diplomatique daté d’août 2009 et publié récemment par le site Wikileaks, un diplomate américain reprochait d’ailleurs au gouvernement fédéral de manquer de leadership en matière d’autonomie gouvernementale autochtone.

Aux TNO, l’an dernier, en plein cœur de la crise sur le moratoire de chasse aux caribous, on a vu le ministre des Affaires indiennes, Chuck Strahl, refuser de rencontrer les Dénés Yellowknives. Chuck n’était de passage sur leurs terres ancestrales que pour se faire prendre en photo accompagné de gros chèques. Son successeur, John Duncan, a lui présidé à l’une des plus importantes gifle coloniale de la décennie: la signature d’une entente de principe sur la dévolution de pouvoirs sans l’accord des Premières nations.

Stephen Harper, qui au sommet du G20 en 2009 avait affirmé que «le Canada n’a pas de passé colonial», choisi bien son vocabulaire d’apparat. Mais dans son esprit ce n’est pas des « Indiens », ni des «Autochtones» qu’il administre; c’est encore des sauvages, des primitifs incapables de se gouverner eux-mêmes, tout juste commode à montrer emplumés en conférence de presse, mais qu’on écartera des décisions importantes dès qu’ils commencent à poser des question.