Radio-Canada est  facteur d’égalité linguistique au pays. Cela ne fait aucun doute.
 L’épanouissement culturel et le droit à l’information sont deux éléments fondamentaux de la société canadienne.  Encore faut-il   que l’on puisse y accéder dans l’une ou l’autre des deux  langues officielles.
 Par sa démographie, le Canada ne peut se permettre de soumettre culture et information au seul secteur privé, qui ne peut rien produire sans l’assurance  de faire des profits. Ce serait fermer la porte à toute nouvelle expérience dans la création artistique, et condamner des régions entières à l’isolement en information.
 Il est facile de démontrer à quel point la dépendance commerciale peut isoler des pans entiers de la société canadienne.
 Les grands médias privés présentent une image essentiellement urbaine de la société canadienne.  Il y est rarement question des régions et des minorités.
 La raison en est bien simple. Ces journaux, stations de télévision et radios ont besoin d’une solide assiette publicitaire pour demeurer en affaire. Ils doivent nécessairement produire de l’information et du divertissement près de leurs lecteurs et auditeurs,  en se fondant sur des valeurs sures avec des investissements minimaux. Tel le veut la loi du profit.  En d’autres mots, il y aura information et création là seulement où il y a de l’argent à faire, non pas là où il y a besoin ou énergie créatrice.
Idéal d’égalité 
 Le Canada repose sur un certain idéal d’égalité que traduisent plusieurs textes de loi. 
 L’article  15 de la Charte des droits et libertés garantit le droit à l’égalité. L’article 2 porte sur la liberté d’expression et le droit à l’information. La Loi sur la radiodiffusion comprend plusieurs dispositions qui vont dans le sens de la Charte et  qui touchent précisément Radio-Canada. Selon cette loi, notre système de radiodiffusion doit, entre autres, refléter la globalité canadienne.  Or, les minorités linguistiques en font partie.
 À cet égard, la partie VII de la Loi sur les langues officielles est claire. Elle stipule que le gouvernement doit veiller à l’épanouissement des communautés. Cela va beaucoup plus loin que la seule expression de sa langue maternelle à la maison. Le français doit être  vecteur de croissance, de renouveau, de culture partout où vivent des francophones. Une forte présence médiatique d’expression française est indispensable pour ce faire. Cette présence est-elle possible sur l’ensemble du territoire si elle ne se fonde que sur la quête de profit? Absolument pas. 
 Quant au droit à l’information, il doit être  davantage qu’un  droit de parole. Il n’a de sens que lorsqu’il est pleinement intégré à l’ensemble de la  société. Il doit  être manifeste auprès de tous les citoyens, francophones ou anglophones.
 Voilà qui n’est pas à la portée du secteur privé.
 Seul Radio-Canada peut par exemple produire bulletins de nouvelles et émissions d’information qui exigent un travail de longue haleine, en français, dans l’Ouest canadien, l’Ontario et  les provinces de l’Atlantique.
 Dans l’histoire du pays, le diffuseur public a ouvert  les portes de l’information à des francophones qui autrement, se seraient retrouvés dans l’isolement, inconscients  du fait qu’ils font eux aussi partie d’une société, cette construction humaine dont le tout dépasse la somme de ses parties… Et puis d’y vivre avec ce sentiment d’appartenir à quelque chose de plus grand que soi.
 Un solide diffuseur public est  le seul moyen de compenser les effets délétères de la loi du profit sur la production de contenu en langue française sur l’ensemble du territoire canadien. Il est par conséquent facteur d’égalité entre citoyens, face à ce droit fondamental qui est celui de l’information.  
 La Société Radio-Canada est un outil compensatoire qui permet de donner aux minorités un service médiatique que le secteur privé ne peut fournir que dans les grands centres. 
 De toute évidence, la SRC a grandement contribué au développement culturel et  au respect du droit à l’information au pays. C’est ce rôle indispensable qui est maintenant en jeu.  
 Gruger dans les ressources de cette institution, c’est rogner plusieurs des grands principes qui ont marqué l’évolution de la démocratie canadienne, soit une démocratie qui s’exprime et se vit dans les deux langues officielles.
 Des réductions de personnel sont prévues  jusqu’en 2020.  La ponction serait de 25 pour cent. L’information régionale serait touchée, disait la haute direction de la SRC en juin 2014.
 Y a-t-il espoir de voir un de ces jours quelqu’un renverser la vapeur? Le train des compressions est monté sur les rails en 1984. Il ne les a jamais quittés depuis, peu importe le parti au pouvoir.
 Thomas Mulcair et Stéphane Dion ont tous deux pris la défense de Radio-Canada au congrès de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec  à l’automne 2014. Justin Trudeau vient de faire de même à Toronto dans le cadre de sa tournée électorale.
 En sera-t-il ainsi après le temps des promesses?
						