Dominique Perron ne mâche pas ses mots sur l’énoncé fédéral du 22 mars. « C’est un budget de crise pour une situation de crise, de la part d’un gouvernement très attentif au bien-être des Canadiens. Économiquement, c’est nécessaire. Mais on ne fait qu’acheter une illusion. »
La professeure retraitée de l’Université de Calgary estime que le gouvernement de Justin Trudeau a rédigé le meilleur budget pour les circonstances. C’est à dire pour une classe moyenne qui souhaite protéger un mode de vie élevé et qui n’arrive pas à accepter qu’il contribue au changement climatique.
« C’est un budget de compromis, estime-t-elle, qui montre en lui-même toutes les contradictions entre nos besoins et nos moyens. Le gouvernement se fait plein de soucis pour la population et c’est très bien. En même temps, on est incapable de faire face, intellectuellement et émotionnellement, aux réalités environnementales et au changement climatique dans ses conséquences ultimes.
« Ça voudrait dire un changement radical, affirme Dominique Perron, et la nécessité de réduire un train de vie qui est suicidaire.
« La planète ne peut plus supporter la croissance, souligne l’analyste du discours sur le pétrole. Mais on va quand même injecter des fonds pour la relancer. Économiquement, c’est nécessaire. C’est un budget qui va dans toutes les directions, qui essaie d’éteindre tous les feux. Mais on ne peut pas régler tous les problèmes, on s’attaque seulement aux symptômes. »
Dominique Perron applaudit les initiatives du gouvernement fédéral pour l’innovation énergétique. « C’est un commencement d’aveu qu’on ne peut pas continuer comme avant. Mais quelles sont les actions qu’on est capable de prendre en ce moment? Est-ce que ces solutions seront utiles à temps?
« Les discours des gouvernements sont schizophréniques. On doit faire les choses d’une manière alternative et, en même temps, on sait que ce n’est pas suffisant. On tient aussi au modèle traditionnel. Avec le budget, on se fie encore à un prix moyen du pétrole à 60 $ le baril. On est entre les deux. »
Le risque est énorme, selon elle. Le Canada peut faire des déficits importants pour plusieurs années sans problème. « Mais c’est une situation de plus en plus difficile à maintenir. Supposons qu’il y ait une crise économique dans cinq ans. On serait complètement paralysé avec la dette. » Le déficit pour 2016-2017 s’élèvera à près de 30 milliards de dollars.
Dominique Perron reste avec une interrogation : « Notre conception de la classe moyenne est peut-être devenue irréaliste. Il est possible que notre situation de vie actuelle ne soit pas la norme, mais un privilège. »
Le ministre Bill Morneau tente de générer de la confiance. « Notre plan fera renaitre l’espoir et l’optimisme en l’avenir qui existaient chez les générations précédentes pour que la prochaine génération en bénéficie. Le changement véritable n’est pas une simple question d’aujourd’hui et de demain. Il concerne la revitalisation de notre économie dans les années et les décennies à venir afin qu’elle fonctionne pour la classe moyenne et aide ceux qui travaillent fort pour en faire partie. »