« Quand il n’y aura plus de Journée de la femme, il y aura de l’égalité », Linda Bussey, conseillère municipale à Yellowknife.
Selon le dernier budget canadien, les femmes ne comptent que pour 18 % des maires et 28 % des conseillers municipaux dans tout le pays. Une statistique à prendre avec des pincettes pour la conseillère municipale de Yellowknife Shauna Morgan, selon qui le nombre n’importe pas tant que la capacité des femmes en place à entreprendre des changements.
Aux Territoires du Nord-Ouest, 7 des 18 maires (38,8 %) sont des femmes, mais aucune d’entre elles n’occupe un des 15 postes de leader communautaire, substitut du maire. Des 159 conseillers municipaux des Territoires, 69 (43,39 %) sont de sexe féminin. Ces chiffres ont été compilés par L’Aquilon à partir du site Internet du ministère des Affaires municipales et communautaires.
La palme absolue en matière de pouvoir féminin revient à la municipalité d’Ulukhaktok, dans la région de Beaufort-Delta, où tous les élus, et de surcroît la directrice générale, sont des femmes. À l’autre bout du spectre, les administrations de Paulatuk et de Fort Resolution sont exclusivement masculines.
Yellowknife
À Yellowknife, trois des huit conseillers sont des femmes. Linda Bussey et Shauna Morgan en sont et l’une comme l’autre considèrent qu’il est important de mentionner la présence significative de femmes dans des postes clés de l’appareil municipal, à la direction générale, mais aussi à la tête de trois des six départements de la ville, dont celui de la politique, des communications et du développement économique.
Il y a eu beaucoup de changements positifs à la Ville de Yellowknife ces dernières années, analyse Mme Morgan, avec l’arrivée de personnes ayant des idées fraîches, détachées des traditions.
« C’est un temps positif pour la Ville, de dire Shauna Morgan. Tout n’est pas parfait pour autant. Les femmes doivent encore lutter un peu plus fort que les hommes, pour être non seulement écoutées, mais respectées, et que leurs perspectives soient comprises. »
Autre bémol : encore aujourd’hui, les hommes s’attendent à ce que les femmes soient consensuelles, — cette fameuse « consensualité » dont Linda Bussey doute qu’elle soit l’apanage de la femme — et ne sont pas à l’aise de voir une femme afficher une opinion divergente.
« Tu vas être critiquée si tu es trop gentille, et si t’es trop affirmée, on dira que t’es pas une joueuse d’équipe, se désole Shauna Morgan. Ça devient difficile pour une femme d’être simplement elle-même. »
Néanmoins, croit-elle, une nouvelle culture se développe à la Ville de Yellowknife, où on travaille à valoriser les employés et à miser sur l’entraide pour rendre les choses plus productives et le climat plus confortable. Pour qu’elle puisse croître encore davantage, il ne suffit pas d’une proportion égale entre les hommes et les femmes au conseil.
« Il peut y avoir le même nombre de femmes que d’hommes, mais s’il y a encore une culture d’intimidation, un lieu de travail toxique, une hiérarchie étouffante, tu n’as rien atteint, affirme la conseillère. Les femmes peuvent changer ça, mais ça prend des femmes avec du courage de changer le statu quo. »
Un budget pour les femmes
Le plus récent budget fédéral en est résolument un pour les femmes. « Le mot femme y est écrit 600 fois », note la conseillère de Yellowknife Linda Bussey. Mais contient-il des mesures spécifiquement conçues pour inciter les femmes à s’impliquer dans la vie politique?
« On trouve toutes sortes d’initiatives pour les femmes dans le budget fédéral, considère Linda Bussey (…), mais ça lui aurait pris des dents. Ce qui manque, ce sont des places en garderie, un peu comme le modèle du Québec. C’est une base. »
Shauna Morgan dresse un constat similaire. « Nous avons besoin de garderies gratuites, d’aide pour les mères monoparentales qui sont sous le seuil de la pauvreté. Il y a des problèmes structurels qui empêchent les femmes d’être des leaders, qui sont plus importants que des programmes de formation pour aider les femmes à faire de la politique. »
Outils
Il reste que par-delà la hausse des conditions socio-économiques évoquée plus haut comme un préalable à l’implication accrue des femmes en politique, d’autres initiatives doivent être mises de l’avant. Parce qu’en politique municipale, croient les deux conseillères de Yellowknife, on peut faire avancer les choses. Linda Bussey s’est lancée dans l’arène avec deux plateformes : améliorer la condition des sans-abri et revitaliser le centre-ville. Dans le premier cas, elle croit avoir réussi à poser des gestes concrets.
Beaucoup de femmes sont très actives et considèrent la politique comme une perte de temps, selon Shauna Morgan. « Mais la politique peut changer des choses, particulièrement la politique municipale. (…) Ça ne fait pas toujours les manchettes, mais tu peux prendre plein de décisions qui changent positivement le quotidien de quelqu’un, dans ses transports, son voisinage, etc. Et ce n’est pas de la politique partisane. »
Il faudrait un espace pour inciter les femmes à aller en politique municipale, avance Mme Morgan, où celles qui en font déjà pourraient s’exprimer sur leurs expériences et leurs réalisations.
Linda Bussey ne croit pas qu’on devrait aller en politique pour se prouver quoi que ce soit en tant que femme, mais parce qu’on est capable et qu’on aime ça. Elle considère que les écoles de campagne pour femmes mises de l’avant par le Conseil du statut de la femme sont une bonne idée. « C’est brillant, avance Linda Bussey. Ça te permet de savoir si t’es capable de faire ça. C’est très bien démontré que ce n’est pas une question de sexe, c’est une question de vouloir faire de la politique. »
Les prochaines élections municipales de Yellowknife auront lieu en octobre. Ni Linda Bussey ni Shauna Morgan ne savent si elles vont se représenter.