Le Cadre stratégique pour l’Arctique fait l’objet de discussions au Conseil intergouvernemental et dans un comité sénatorial.
Alors que le gouvernement fédéral retarde la présentation de son esquisse du Cadre stratégique pour l’Arctique, initialement prévue pour l’été 2018, différentes organisations du Nord expriment leur vision et leurs besoins afin qu’Ottawa en tienne compte.
Le Cadre stratégique a été un des principaux sujets de discussion de la 3e rencontre du Conseil intergouvernementale qui avait lieu à Yellowknife le 11 septembre. Un conseil qui est en quelque sorte l’interface de négociations des Premières Nations et du gouvernement ténois.
Le Conseil intergouvernemental voit le Cadre stratégique comme une avenue pour récupérer les billions de dollars « qui doivent être laissés dans le sol » des TNO, de dire le premier ministre de Territoires du Nord-Ouest, Bob McLeod, faisant référence au moratoire quinquennal sur l’exploitation extracôtière du gaz et du pétrole annoncée par M. Trudeau en 2016.
« Nous voyons cela comme une occasion d’obtenir de nouveaux investissements et de nouveaux financements pour le Nord », dit M. McLeod, signalant du même coup que le GTNO milite néanmoins pour la fin de ce moratoire.
« Le ministre Leblanc [Affaires intergouvernementales et du Nord et du Commerce intérieur] nous a envoyé des signaux que son gouvernement s’intéressait au pétrole et au gaz, mais avec les problèmes de Kinder Morgan et l’ALENA, tout est retardé, ils ne veulent pas se compromettre dans ces processus », poursuit le premier ministre ténois.
M. McLeod dit entretenir de très bonnes relations avec Dominic Leblanc, qui s’intéresse au Nord depuis le temps où il travaillait pour le gouvernement Chrétien, et dit l’avoir rencontré deux fois depuis qu’il a été nommé.
« Nous avons travaillé très étroitement avec les gouvernements autochtones des TNO, ajoute M. McLeod. Ils veulent plus d’accent sur les revendications territoriales, l’autodétermination, et le renforcement des droits autochtones. […] Nous nous sommes tous entendus sur ce qu’on devrait demander [pour le Cadre stratégique pour l’Arctique], je pense que l’on va jouer dans un registre très large, parce que rien n’est sûr. »
Approche sénatoriale
Le Comité sénatorial sur l’Arctique, présidé par le sénateur du Nunavut Dennis Patterson s’est arrêté à Yellowknife le 10 septembre dans le cadre de sa tournée de consultation nordique.
Le Comité — où M. Patterson est le seul représentant du Nord —, a rencontré plusieurs représentants autochtones et des organismes locaux comme l’Université Dechinta, le Canadian Arctic Ressources Comittee (CARC) ainsi que le gouvernement ténois, qui en a profité pour faire la promotion de ses projets d’infrastructures majeurs : le développement hydroélectrique Talston, la route quatre-saisons Tli?cho?, la route de la vallée du Mackenzie et le Corridor d’accès à la province géologique des Esclaves.
« Le gouvernement est en retard dans son engagement, de dire le sénateur Patterson, renvoyant à l’absence actuelle d’ébauche du Cadre. C’est décevant, parce que ça aurait été très pratique d’avoir cette ébauche pour alimenter nos discussions. »
Propositions
Le Comité n’est pas prêt à commenter encore la validité des propositions faites à Yellowknife, mais le sénateur Joseph Day (New Brunswick – Saint John-Kennebecasis), souligne que comme tous les sénateurs, il est en faveur du projet de corridor nordique (reliant le Labrador aux Territoires du Nord-Ouest) pour le transport, proposé l’an dernier par le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce.
Néanmoins, le sénateur Patterson s’était déjà prononcé précédemment sur l’urgence pour le Canada de mettre à jour sa politique et sa stratégie globale sur l’Arctique dans un contexte de compétitivité où plusieurs pays, dont la Russie bien sûr, mais aussi la France et le Royaume-Uni, se dotent d’une politique en ce sens avec des investissements parfois conséquents.
Les discussions avec le CARC et la Chambre des mines des Territoires du Nord-Ouest et du Nunavut ont alimenté ce sentiment d’urgence.
L’industrie minière des TNO, explique le directeur général de la Chambre des Mines, Tom Hoefer, doit être concurrentielle dans un marché mondial où elle est handicapée par ses couts de production surélevés. « C’est plus difficile d’être rentable, dit-il, alors les gisements doivent être plus importants. C’est pourquoi nous avons dit au gouvernement que nous avons vraiment besoin d’aide, comme nous en avons eu il y a 40 ans. » M. Hoefer fait référence à différents financements fédéraux pour les routes d’accès aux mines, des transports en avion pour la prospection et la construction du système hydroélectrique Snare.
« L’industrie est trop laissée à elle-même, résume M. Hoefer. Notre Nord est de la grosseur de l’Europe, le tiers du Canada, et dans ce secteur, nous n’avons que six mines, qui occupent 0,006 % de la région. Nous n’utilisons pas notre Nord à son plein potentiel. En Russie, ils l’utilisent vraiment, ou même en Norvège, avec son gaz extracôtier et ses installations. Nous sommes sous-développés. »
Implication locale et environnement
Les organisations inuites, dont Makivik, de dire M. Patterson, ont également manifesté le désir de jouer un plus grand rôle dans la gestion de l’Arctique, incluant l’extracôtier et l’appui à la souveraineté canadienne. « Ça va indéniablement faire partie de nos recommandations », assure le sénateur.
Le Comité, dit M. Patterson, est également déterminé à ce que son rapport fasse état des problèmes causés par les changements climatiques — érosion des côtes à Tuktoyaktuk, inondations dans des collectivités de la vallée du Mackenzie — et des problèmes sociaux — pertes de langues et de culture, suicides.
M. Patterson croit que le gouvernement canadien va instaurer son Cadre avant les prochaines élections. « C’était un engagement ferme et ils ont fait beaucoup d’efforts pour ça », dit-il.
Cependant, le Comité sénatorial sur l’Arctique va demander une extension de son mandat qui, autrement, se termine en décembre 2018.
Le premier ministre des TNO est moins sûr que l’échéance sera respectée. « Le financement devra être prêt avant la fin d’octobre, souligne-t-il, pour être inclus dans le budget fédéral de 2019, qui sortira en mars. Nous redoutons que ce soit retardé. […] Les élections d’octobre 2019 se rapprochent, nous commençons à manquer de temps pour notre 18e Assemblée législative. »