Les femmes s’attaquent aux dictatures
Depuis leur indépendance, les pays africains ont connu des coups d’État militaires successifs qui ont permis aux militaires de s’emparer du pouvoir avec l’appui des puissances coloniales qui gardaient ainsi la mainmise sur les ressources naturelles du continent.
Le néocolonialisme se poursuit sous différents aspects et, malgré quelques signes d’espoir, on reste embourbé dans ces rapports de colonisés et colonisateurs.
On s’enlise, mais on se leurre en se disant que nous, les colonisés, on tient maintenant le gros bout du bâton parce qu’on attire maintenant les empires financiers asiatiques et qu’on peut ainsi monnayer nos ressources au plus offrant.
Pendant ce temps, les dictatures perdurent et le renouveau démocratique se fait attendre dans beaucoup de pays.
Depuis quelques années, des femmes africaines s’insurgent contre ces pouvoirs autoritaires. Leurs enfants périssent en Méditerranée en essayant d’aller se chercher une place au soleil (de quel soleil parle-t-on au fait ?) Elles essaient de s’en sortir et ne peuvent pas attendre que les dictateurs se succèdent les uns aux autres sans apporter aucune amélioration à leur quotidien.
Au Soudan
Alaa Salah monte sur le capot d’un véhicule et galvanise la foule en scandant Thawra (révolution). Le président Omar el-Béchir était visé par un mandat d’arrêt de la CPI depuis mars 2009 pour les crimes commis au Darfour. Ce mandat d’arrêt ne l’a pas empêché de continuer à diriger son pays d’une main de fer et de se déplacer en toute impunité sur le continent avec tous les honneurs.
En décembre 2018, le gouvernement décide de tripler le prix du pain et la population soudanaise n’en peut plus. Et les manifestations incessantes finissent par faire tomber le gouvernement. L’armée le renverse, mais le peuple soudanais n’est pas dupe. Les ratés du printemps arabe l’a rendu vigilant. Le Conseil militaire devra répondre à la population et ne pas étirer la transition comme ce fut le cas dans bien d’autres pays.
En Algérie
Les femmes se joignent en force aux Vendredis de la colère. Elles réclament un renouveau démocratique, mais aussi l’abrogation du Code de la famille patriarcal inspiré de la charia qui les maintient dans un statut de « mineures à vie ». 
Elles parlent de citoyenneté et de la question de l’égalité des droits pour tous et pour toutes. On les menace de les asperger d’acide et on les accuse de créer un désordre en mêlant leurs revendications à la revendication majeure, le départ du président.
Elles tiennent et continuent à « vendredire ».
Bouteflika renonce à son cinquième mandat, mais le peuple en veut plus, un vrai changement de garde et non pas un tour de chaises musicales où les combattants de la libération excellent. Ces libérateurs utilisent leurs faits d’armes pour opprimer cette jeunesse qui n’a pas connu l’époque des moudjahidines et des martyrs de la guerre d’indépendance. Et les femmes ne baissent pas les bras et continueront jusqu’à l’obtention de leurs droits.
Au Rwanda
Victoire Ingabire Umuhoza rentre des Pays-Bas en janvier 2010 pour se présenter aux élections présidentielles d’aout 2010. Ingabire Umuhoza ne nie pas le génocide des Tutsis. Elle va s’incliner au Mémorial du génocide dès son arrivée au Rwanda. Elle réclame la reconnaissance des crimes de guerre commis par le Front patriotique rwandais et le droit de se souvenir de toutes les victimes de 1994 et des années suivantes.
Voir cette femme parler aux caméras et oser dire à voix haute ce que pensent tout bas beaucoup de gens et ce que beaucoup de gens ont peur d’entendre a eu un effet incroyable. Le régime de Kigali fulmine et on ne veut surtout pas courir le risque de contamination. Ingabire subit toutes sortes de tracasseries administratives pour faire enregistrer son parti politique. Elle ne se laisse pas intimider, alors on l’affuble d’une idéologie génocidaire et on trouve des preuves qu’elle appuie des groupes armés opposés au régime de Kigali.
Elle croupira en prison pendant 8 ans et sera libérée en septembre 2018. Une libération conditionnelle toutefois : elle devra se calmer et arrêter d’offenser le Généralissime Kagame, sinon on la remet à l’isoloir. Et non, elle ose encore parler même si les membres de son parti, le Front démocratique uni-Inkingi, sont jetés en prison ou pire, tués, comme son bras droit Anselme Mutuyimana, liquidé le mois dernier.
Diane Shima Rwigara tente la même chose et se présente aux élections présidentielles en 2017. Diane est accusée de contrefaçon, car, étant une rescapée du génocide des Tutsis, on ne peut lui imputer l’idéologie génocidaire ou le négationnisme, cette accusation ne collerait pas.
Adeline Rwigara reproche au pouvoir en place l’assassinat de son mari et le harcèlement que subit sa famille. Diane et sa mère Adeline rejoignent Ingabire en prison en septembre 2017. Mais elles vont plus loin et, à chaque comparution, elles dénoncent les injustices et les crimes de guerre du Front patriotique rwandais qui a pourtant bénéficié du soutien inestimable des Rwigara au début des années 1990. Les Rwigara sont libérées après une année de détention.
Les Rwigaras ont ouvert la boite de Pandore, entrouverte auparavant par Ingabire. Elles parlent du désenchantement des rescapés tutsis qui ont tout perdu en 1994 et qui souffrent maintenant aux mains de leurs sauveteurs qui auraient stoppé le génocide.
Ces femmes ont tout risqué et ont osé parler. En espérant que le reste de la population leur emboite le pas. Et c’est cette mobilisation qui fait peur aux dictateurs africains. Mais l’Histoire avance même si, parfois, malheureusement, elle se répète.
 
						
 
                                     
                                     
                                     
                                     
                                        