Aux TNO, il y a un commissaire aux langues depuis près d’une trentaine d’années. Or, assez peu de Ténois se prévalent de ses services. Pour mieux saisir le rôle et la pertinence de cette fonction, L’Aquilon a fait appel à un expert. Basé à Moncton, au Nouveau-Brunswick, Me Michel Doucet est l’un des plus grands spécialistes en droit linguistique au pays. De 2010 à 2017, il a notamment dirigé l’Observatoire des droits linguistiques, associé à la faculté de droit de l’université de Moncton.
Quel est l’intérêt d’un bureau du commissaire aux langues officielles par rapport au système judiciaire ?
Ce bureau est un peu comme un ombudsman [protecteur du citoyen], en d’autres mots, c’est quelqu’un qui permet de régler des problèmes qui se posent par rapport à la Loi sur les langues officielles dans un cadre beaucoup plus informel que dans un tribunal.
Sur ce plan-là, il peut certainement faire des recommandations qui, évidemment, ne lient pas les gouvernements, mais qui peuvent les inciter à changer leurs politiques. Changer sa façon de faire les choses et faire respecter la Loi sur les langues officielles. C’est une procédure beaucoup moins lourde qu’un tribunal de justice. Il a ses forces et ses faiblesses, mais c’est quand même une façon assertive de régler des problèmes qui se posent au chapitre des langues officielles.
Que doivent attendre les plaignants à la suite d’une enquête ?
C’est peut-être là que la faiblesse des bureaux des commissaires aux langues officielles, tant au niveau fédéral qu’au provincial [et au territorial, NDLR]. Les rapports des commissaires n’ont pas force de loi comme telle, ce n’est pas une décision judiciaire. Ils peuvent uniquement faire des recommandations en souhaitant que l’administration publique se conforme à celles-ci, qu’ils corrigent la situation et que la mise en œuvre stricte de la loi soit assurée. Sur ce plan-là évidemment, on s’en remet à la bonne foi de l’administration publique. On s’en remet également à la compétence du commissaire pour que celui-ci comprenne bien son rôle et qu’il applique bien les principes des droits linguistiques dans ses rapports.
Pensez-vous que l’utilisation du vocabulaire judiciaire effraie de possibles plaignants ?
Non, je ne crois pas. C’est un système qui existe au Canada depuis 1967 qui est un processus de plainte. […] Je crois tout simplement que les gens sont habitués. Au bureau de l’ombudsman, les gens peuvent également faire des plaintes, il y a d’autres structures au niveau des provinces canadiennes dans d’autres domaines dans lesquelles les citoyens peuvent, s’ils croient que leurs droits ont été touchés par l’administration gouvernementale, déposer une plainte, et c’est la même chose pour les langues officielles.
Est-ce qu’un commissaire aux langues devrait parler une autre langue en plus de l’anglais ?
Je comprends très bien que la situation des TNO est particulière, couvrant une multitude de langues autochtones, en plus du français et de l’anglais. Mais évidemment, on serait en droit de s’attendre à ce que le commissaire soit en mesure de s’exprimer dans les deux langues officielles [canadiennes] : le français et l’anglais. Ou du moins, que le commissaire soit en mesure d’assurer que les plaignants soient traités sur un pied d’égalité, francophones, anglophones ou autochtones. [L’unilinguisme de la Commissaire aux langues des TNO], c’est certainement problématique et c’est quelque chose que je n’ai jamais vu au niveau du fédéral ou du Nouveau-Brunswick.