Pour la commissaire aux langues des TNO, de nombreuses langues autochtones du territoire, bien que reconnues comme officielles, ne sont pas adéquatement protégées par la Loi.
La Loi sur les langues officielles des TNO n’est pas adaptée au Nord, selon la commissaire aux langues, Shannon Gullberg. Elle a émis cette opinion le 26 octobre devant un comité de l’Assemblée législative.
Mme Gullberg a fait ces remarques lors de sa comparution devant le Comité permanent des opérations gouvernementales qui entame son évaluation périodique de la Loi sur les langues officielles.
Le rapport de la Commission de vérité et réconciliation du Canada, note Mme Gullberg, souligne que la réconciliation avec les premiers peuples doit inclure la préservation de la culture et des langues. Or, selon la commissaire, la loi actuelle ne contribue pas à préserver les langues autochtones, dont certaines montrent des signes d’essoufflement inquiétant.
« On ne peut garder une législation qui place ces langues au second plan », a-t-elle affirmé.
Les obligations du gouvernement territorial envers les langues autochtones détaillées dans la présente loi sur les langues sont, en effet, différentes et moins étendues que les dispositions sur l’anglais et le français.
Des priorités pour chaque communauté
La piètre qualité des services d’interprétation dans les langues autochtones couvertes par la loi représente, aux yeux de la commissaire, l’un des éléments qui illustrent le mieux les lacunes de la législation.
« Selon mon expérience, il est clair que l’offre active d’interprétation ne fonctionne pas, a-t-elle déclaré. Les employés doivent comprendre l’importance d’une offre active, et être à l’aise de fournir ces services. Ils doivent pouvoir assister le client dans la prestation de services dans la langue choisie lorsque ces services sont réclamés. »
La commissaire recommande aussi de développer une offre de service adaptée à chaque communauté linguistique, et ce au terme de consultations rigoureuses avec les collectivités, et particulièrement avec les ainés. « Les attentes du public sont raisonnables, on souhaite pouvoir recevoir des services essentiels, dans les diverses langues officielles, a-t-elle résumé. En matière de protection des droits, c’est notre travail, au Commissariat des langues officielles, de consulter les parties prenantes. Il faut aller dans les collectivités et leur demander quelles sont leurs priorités, pour être en mesure de cibler nos efforts. »
Trop de place au français ?
Deux députés présents lors de cette rencontre ont exprimé les préoccupations recueillies auprès de leurs électeurs quant à la place prépondérante des droits francophones à travers le territoire. « Des employés d’Inuvik doivent systématiquement répondre “Hello, Bonjour” au téléphone. Certains ont peur de recevoir une plainte s’ils ne le font pas. On leur impose certaines procédures complexes en français, alors que leur propre langue est en péril », a souligné la députée d’Inuvik Nord, Lesa Semmler.
« Mes électeurs se demandent pourquoi les francophones ont plus de droits qu’eux-mêmes, a déploré le député de Deh Cho, Ronald Bonnetrouge. Tout est traduit en français. Même l’écriteau extérieur de l’hôpital Stanton est traduit en français. Nous sommes en territoire Akaitcho, sur les terres des Premières Nations des Dénés Yellowknives, et ce n’est même pas traduit dans leur langue. »
Mme Gullberg a convenu que le Secrétariat aux affaires francophones a mis en place un matériel de grande qualité pour l’offre de service. « Il faut adopter cette même approche de qualité pour toutes les langues officielles, a-t-elle ainsi répondu à Mme Semmler. À l’heure actuelle, le personnel ne sait même pas que des services d’interprétation sont offerts dans leur ministère, ils ne savent pas comment traiter les demandes. Il importe de cibler les services qui sont les plus importants pour chaque communauté linguistique, et s’assurer qu’ils sont implantés. Avec les nouvelles technologies, il n’y a plus de barrière, et plus d’excuses. »
« Je ne veux pas que les droits des francophones soient érodés. Ce que je souhaite, c’est de voir les langues autochtones atteindre ce niveau de droits et de ressources, se construire », a souligné la commissaire en réponse à l’intervention du député de Deh Cho. Elle a également relevé l’importance, à ses yeux, d’une communication entre les différents groupes linguistiques qui, selon elle, « vivent certains combats similaires, qui nécessitent des approches différentes ».
Comme l’a souligné le député de Yellowknife Nord, Rylund Johnson, la communauté francophone est particulièrement au fait de ses droits, et aura plus volontiers recours aux tribunaux pour les faire valoir. « Comment faire en sorte que toutes les communautés linguistiques puissent mettre leurs droits de l’avant ? », a-t-il questionné.
L’exercice de consultation demeure, pour Shannon Gullberg, la principale solution. « Il serait très paternaliste, selon moi, de dire aux collectivités : voilà comment faire les choses pour promouvoir votre langue, a-t-elle avancé. Il s’agit avant tout de demander aux communautés ce que sont leurs priorités, et de nous assurer qu’elles aient les ressources pour que leurs droits soient respectés. »
La Loi, qui hormis l’abolition en 2018 d’un conseil linguistique devenu obsolète, n’a pas été rénovée depuis 2003, fait l’objet d’une révision parlementaire tous les cinq ans. Dans le cadre de ces travaux, le comité présidé par la députée de Thebacha, Frieda Martselos, recevra le ministre responsable des langues, R. J. Simpson, le 2 novembre.
Il s’agissait vraisemblablement de la dernière intervention publique de Mme Gullberg en tant que commissaire aux langues. Son mandat se termine le 31 octobre 2020.