Se gardant de toute partisanerie, la première ministre ne compte pas faire de concessions avec le prochain gouvernement canadien en ce qui a trait aux plans d’avenir des Territoires du Nord-Ouest.
Thomas Ethier – IJL – Territoires
Par définition, le gouvernement de consensus des Territoires du Nord-Ouest n’appuie aucun parti politique. Qu’importe qui investira le Parlement fédéral, ce parti fera face aux exigences du gouvernement territorial, qui a le devoir de s’assurer qu’Ottawa réponde aux besoins uniques, voire urgents, des collectivités du Nord.
Le journaliste Thomas Ethier en a discuté avec la première ministre des Territoires du Nord-Ouest, Caroline Cochrane.
Médias ténois – Selon les sondages, les libéraux et les conservateurs sont au coude à coude dans les intentions de vote. Vous attendez-vous à ce que le GTNO entretienne de bonnes relations avec le parti qui remportera les élections du 20 septembre ?
Caroline Cochrane – Tous les partis ont leurs forces, et tous les partis devront être informés et éduqués sur certains plans quant aux besoins propres aux Territoires du Nord-Ouest. En tant que gouvernement de consensus, nous devons travailler en collaboration avec tous les partis. C’est un système qui facilite les choses en quelque sorte, puisque nous ne sommes contraints d’adopter aucune ligne de parti. Que les conservateurs, les libéraux, le NDP ou les verts l’emportent, le prochain gouvernement devra faire preuve de flexibilité et adapter ses priorités aux nôtres.
Mt – Quelles sont les principales demandes du GTNO aux partis fédéraux pour traiter des enjeux sociaux, tels la crise du logement, l’itinérance, et les problèmes de santé mentale et de dépendances ?
CC – Nous avons écrit à chacun des partis pour leur demander comment, de quelle manière ils comptent investir aux TNO en tenant compte de nos résidents, de nos industries, de nos gouvernements autochtones et municipaux, et de nos enjeux environnementaux. En ce qui nous concerne, au chapitre de la santé et des services sociaux, il importe d’abord de bénéficier de flexibilité en matière de financement et d’ententes de fonds.
Chaque circonscription est différente, et la nôtre a certainement des besoins qui lui sont propres. Avant la pandémie, nos écarts en matière d’infrastructures, de logement ou de santé et de services sociaux étaient déjà énormes par rapport aux autres provinces. La COVID-19 a porté ces enjeux à l’avant-plan.
Le logement représente un enjeu de premier plan. Il importe non seulement d’augmenter le nombre de logements, mais également d’en réduire les couts. La réconciliation est également un enjeu critique. Une partie du processus réside dans l’appui à nos luttes face aux problèmes de santé mentale et aux dépendances. La moitié de la population des TNO est autochtone et Ottawa doit également reconnaitre les gouvernements autochtones à leur juste valeur.
Mt – Croyez-vous que tous les partis sont prêts à démontrer la flexibilité nécessaire pour aider les TNO ?
CC – Il est important que les résidents regardent les débats des chefs et s’informent autant que possible, parce que les partis devront rendre des comptes par rapport à leurs promesses électorales. Si certains de nos besoins ne se trouvent pas dans sa plateforme, le prochain parti au pouvoir devra être en mesure de travailler avec nous pour y répondre.
Mt – Comment ce prochain gouvernement devra-t-il s’assurer du succès des processus de réconciliation et des négociations avec les peuples et gouvernements autochtones ? Croyez-vous que tous les partis y seraient entièrement dévoués ?
CC – Je crois qu’un parti qui ne prend pas la réconciliation au sérieux n’est pas intelligent. Tout parti doit prendre au sérieux les revendications territoriales, la commission-Vérité et Réconciliation, les exigences entourant les femmes et filles autochtones disparues ou assassinées, et la découverte de sépultures anonymes sur les sites d’anciens pensionnats indiens. Tout parti doit travailler avec les peuples et gouvernements autochtones et appuyer les solutions établies par les peuples autochtones.
Notre conseil exécutif contactera celui du nouveau gouvernement, dès qu’il sera élu. Nous nous assurerons que les élus comprendront l’importance de travailler en collaboration avec les TNO au chapitre de la réconciliation, des revendications territoriales et de l’établissement de gouvernements autochtones autonomes. Nous sommes l’un des gouvernements les plus progressistes en la matière, et nous devons le rester.
Mt – Plusieurs des 9 langues autochtones officielles de TNO sont menacées de disparaitre. Comment le gouvernement fédéral devra-t-il appuyer les efforts de sauvegarde et de revitalisation des langues autochtones ?
CC – Le gouvernement fédéral devra mettre en place la déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Cette déclaration prévoit que les droits entourant les langues autochtones reviennent aux peuples et gouvernements autochtones. Je crois que le gouvernement fédéral a l’obligation de leur allouer les fonds dont ils ont besoin pour développer leurs propres programmes et leur propre service. La loi canadienne devrait inclure certains droits constitutionnels qui accordent l’autorité aux gouvernements autochtones sur leurs langues officielles.
Mt – L’économie des TNO était en difficulté avant même la pandémie. Comment le prochain gouvernement fédéral devra-t-il appuyer la croissance économique des Territoires ?
CC – Ce prochain gouvernement a le devoir d’appuyer les TNO, comme l’ensemble du Canada, dans la reprise économique. Ottawa devra appuyer nos résidents, entreprises et gouvernements pour que nous puissions évoluer sur le même terrain que les provinces. L’appui à nos infrastructures de base aidera à explorer tout le potentiel de nos ressources naturelles, à transiter vers une économie moins dépendante au carbone, et offrira aux résidents une plus grande liberté de choix.
Ottawa doit également bonifier les fonds en capitaux de base, offerts aux territoires et provinces, en fonction de nos besoins uniques. Le territoire est très vaste. On y compte 33 collectivités et seulement 45 000 résidents. Un seul quartier de Toronto abrite cette population, mais n’a pas besoin de 33 usines de traitement des eaux, ni de 33 écoles ou de 33 centres de Santé. Nos couts sont 33 fois plus élevés que les leurs.
Mt – Quelles devront être les priorités de ce prochain gouvernement en matière d’infrastructures ?
CC – Il y en a plusieurs : par exemple, la route de la vallée du Mackenzie devra permettre de relier les collectivités. Le projet d’expansion de la centrale hydroélectrique Talston, ou encore le projet d’autoroute Tli?cho doivent également aller de l’avant. On pense également au corridor d’accès à la province géologique des Esclaves, une zone au fort potentiel minier qui abrite plusieurs emplois. Nous nous attendons à recevoir de l’argent d’Ottawa pour tous ces projets.