La commissaire aux langues des Territoires du Nord-Ouest espère inciter les résidents des collectivités à se plaindre, et le gouvernement, à y porter une attention active. Tout le contraire, selon elle, de la situation actuelle.
Thomas Ethier – IJL – Territoires
En poste depuis bientôt un an, la commissaires aux langues des TNO, Brenda Gauthier, a dû suspendre plusieurs de ses plans, la pandémie s’étant dressée entre elle et les locuteurs du territoire. Celle qui s’érige en portevoix des langues officielles – dont plusieurs sont en voie d’extinction – s’est donné le mandat de délier les langues et d’amener les résidents à décrier certains enjeux que le gouvernement semble, à ses yeux, ne pas entendre.
Une seule recommandation émane du Rapport annuel 2020-2021 du Commissariat aux langues des Territoires du Nord-Ouest : que le gouvernement fasse ses devoirs et réponde aux recommandations qui lui sont faites. « Le silence continu de l’Assemblée législative face aux recommandations formulées par les différents commissaires aux langues dans les rapports annuels et spéciaux au fil des années minimise l’importance du Commissariat aux langues et discrédite son rôle », peut-on y lire.
Silence radio
Révisée tous les quatre ans, la Loi sur les langues officielles des TNO est actuellement sous la loupe d’un comité de l’Assemblée législative, composé de députés. Ces derniers sont chargés, notamment, d’entendre les différents acteurs impliqués, incluant ministres et résidents des collectivités. C’est ici, notamment, que les recommandations de la commissaire entrent en jeu. Or, depuis 2004, ce processus de révision n’a mené à aucun résultat. La loi est inchangée depuis maintenant 16 ans.
La situation est toutefois appelée à évoluer. Le le ministre responsable des langues officielles, R. J. Simpson, a présenté en novembre 2020 trois recommandations au comité de révision, visant à y apporter des modifications administratives. Ceci laisse présager qu’un nouveau projet de loi sera déposé d’ici la fin de la 19e Assemblée législative des TNO. Le processus de révision doit normalement se conclure d’ici mars 2022 par la présentation de recommandations à l’Assemblée législative. Le GTNO devra y répondre dans les mois qui suivront ce dépôt.
Comment progresse cet examen de la loi ? Difficile à dire pour la commissaire, qui avoue avoir eu très peu de contact avec les élus depuis son entrée en poste. Le comité, présidé par la députée de Thebacha, Frieda Martselos, a tenu en juin 2021 une première assemblée publique, à laquelle ont été invités les résidents et organismes d’Inuvik. Cette première rencontre a réuni cinq intervenants, certains déplorant n’avoir été avertis que quelques jours avant l’évènement.
Brenda Gauthier dit ne l’avoir appris que le jour même. Le comité a corrigé le tir et publicisé le reste de la tournée, qui devait se déplacer dans plusieurs régions à la fin de l’été. L’importante éclosion de COVID-19 ayant frappé le territoire en aout a toutefois forcé le report de la consultation. Aucune date de reprise n’a pour l’instant été annoncée. « C’est très silencieux, indique la commissaire. Je sais que le processus de révision a été mis sur pause à cause de l’éclosion. S’ils ont recommencé, je n’en ai pas été informée. Vraiment, c’est très silencieux du côté des comités parlementaires. »
Peu de plaintes, voire aucune
Installée à Fort Smith – où elle a déménagé son bureau pour se rapprocher des collectivités – Mme Gauthier travaille à revoir ses plans pour les prochains mois. L’approche préconisée en début de mandat était de voyager dans les collectivités pour y rencontrer les résidents et faire connaitre son rôle de commissaire. Sécurité oblige, le projet a rapidement été balayé par la pandémie. « À l’heure où l’on se parle, nous tentons d’explorer de nouvelles approches pour les prochains mois, afin d’entrer en contact avec les communautés linguistiques et débuter le travail de sensibilisation. »
Comme elle le rappelle, son travail en est un d’écoute et d’observation, d’abord et avant tout. C’est pourquoi elle souhaite faire comprendre aux résidents leurs droits. « J’ai un peu le travail d’une ombudswoman, résume-t-elle. Mon rôle est de recevoir les plaintes. Je surveille, j’enquête, et je réponds aux demandes qui me sont soumises. Or, les TNO comptent 11 langues officielles, et en ce moment, nous ne recevons que très peu de plaintes, voire aucune, à propos des neuf langues officielles autochtones. Les collectivités doivent comprendre leurs droits, et les recours qui s’offrent à elles. »
Services en langues autochtones
À l’heure actuelle, ces droits seraient mal respectés. Sur ce plan, Mme Gauthier corrobore les observations de sa prédécesseure, Shannon Gulberg, qui aura sporadiquement occupé le poste pendant près de 10 ans. « La Loi sur les langues officielles des TNO ne fonctionne pas », avait déclaré cette dernière, peu de temps avant de céder sa place. En effet, selon Mme Gulberg, malgré l’existence de cette loi, les résidents ne peuvent obtenir les services gouvernementaux auxquels ils ont droit dans leur langue maternelle.
En 2020-2021, le ministère de l’Éducation du GTNO a contribué à hauteur de 9,4 millions $ à la revitalisation des langues autochtones, aux partenariats communautaires et aux services publics. « On peut travailler à faire la promotion des langues autochtones, mais, si les services ne sont pas là, ou ne sont pas correctement implantés, ça remet en question l’utilité de ces efforts, indique Brenda Gauthier. J’aimerais voir, au cours des prochaines années, des services offerts en langues autochtones, en plus des efforts entrepris pour la revitalisation des langues autochtones. Je crois que ça doit aller de pair. »