le Samedi 19 avril 2025
le Vendredi 13 mars 1998 0:00 | mis à jour le 20 mars 2025 10:35 Santé

Un marché de dupe? Les services spécialisés de santé de Baffin à Ottawa:

Un marché de dupe? Les services spécialisés de santé de Baffin à Ottawa:
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Selon M. Michel Cardinal de la Régie régionale de l’Assurance maladie du Québec à Hull, les coûts de la santé à Ottawa sont parmi les plus chers au Canada, dépassant Montréal et Toronto à ce chapitre. La Régie régionale de Hull a acquis une expertise sur ce sujet dans les dernières années, puisque 50% des patients hospitalisés provenant de la région de l’Outaouais se retrouvent dans les hôpitaux de la Capitale nationale.

Selon Michel Cardinal,, plusieurs facteurs contribuent à maintenir élevés les coûts de la santé à Ottawa. Même si sa population ne le justifie pas, Ottawa doit maintenir un large éventail de soins de santé avec des équipements perfectionnés à cause de sa vocation de Capitale nationale. La présence de délégations diplomatiques de tous les pays ou encore le passage à Ottawa d’invités de marque, obligent les institutions de santé à parer à toute éventualité avec un maximum de compétence.

Le fait que la région québécoise de l’Outaouais jusqu’à récemment n’avait pas vraiment développé d’infrastructure hospitalière propre est un deuxième facteur. Le gouvernement du Québec a toujours considéré comme une économie que d’envoyer ses patients de la région de l’Outaouais se faire traiter dans les hôpitaux d’Ottawa, plutôt que d’avoir à développer ses propres services hospitaliers au Québec, à Hull ou à Gatineau. Pour pouvoir satisfaire à cette demande supplémentaire de soins en provenance du Québec, les hôpitaux d’Ottawa ont développé l’expertise et les installations nécessaires même à des coûts élevés puisqu’une partie de la facture était réglée par la Régie de l’Assurance-maladie du Québec.

Il est intéressant de noter que depuis quelques années, Québec a entrepris de rapatrier ces services de santé sur son territoire espérant ainsi relancer la création d’emplois dans la région de Hull/Gatineau. Plusieurs services sont maintenant offerts à Gatineau, principalement en cardiologie, créant nécessairement un manque à gagner de l’autre côté de l’Outaouais. Ce ne serait donc pas tout à fait par hasard si c’est le Heart Institute d’Ottawa qui a principalement initié cette opération récente de séduction auprès du Conseil de santé et des services sociaux de Baffin.

Le calcul comparatif du coût des soins de santé d’une province à l’autre reste une question très complexe qui généralement se discute entre spécialistes. Or c’est la question à laquelle voudrait bien répondre le ministre territorial de la Santé et des Services sociaux, Kelvin Ng, avant d’entériner la décision prise par le Conseil de Santé de la région de Baffin de confier le contrat des services de soins spécialisés au Ottawa Health Services inc. Le ministre Ng devrait sans doute rendre sa décision avant le 1er avril prochain, date à laquelle le contrat entre le Conseil régional de la Santé de Baffin et Ottawa Health Services inc devrait entrer en vigueur.

Une des composantes importantes de ce calcul est le coût de base par jour que les hôpitaux chargent à leur régie d’assurance-maladie respective dans chaque province. Ce coût est établi en fonction d’ententes inter-provinciales (inter-provincial billing system) pour chaque hôpital, puisqu’aucun hôpital en particulier n’offre les mêmes services de la même façon. À moins d’ententes particulières entre provinces et territoires, ce per diem reste le même pour tout citoyen canadien d’un océan à l’autre. Or aucune entente particulière de ce type visant à modifier la facturation des services hospitaliers n’est prévue jusqu’à maintenant entre l’Ontario et les T.N.-O.

Si nous comparons ces coûts per diem entre les hôpitaux d’Ottawa et les hôpitaux universitaires de McGill, il ne fait aucun doute que les hôpitaux montréalais ne coûtent pas plus chers.

À partir du 1er avril, les hôpitaux d’Ottawa, sous la pression des coupures draconiennes du gouvernement Harris, instaureront un nouveau mode de tarification. Pour les interventions chirurgicales relevant de la cardiologie tertiaire, le tarif de l’acte médical sera ajouté au per diem, qui sera abaissé de 10% dans ces cas particuliers.

La rétribution des médecins à l’acte reste un facteur non négligeable de comparaison entre Montréal et Ottawa puisqu’elle constitue de 15 à 20% du per diem de chaque hôpital. Selon plusieurs chercheurs en santé contactés par l’Aquilon, les médecins ontariens récoltent de 30 à 50% de plus à l’acte que leurs collègues du Québec.

Il reste possible que Ottawa Health Services inc ait offert au Conseil régional de la Santé de Baffin une offre de soins de santé plus basse per capita que McGill. D’après les données recueillies, les économies proposées ne pourraient se faire ni sur les coûts médicaux, ni sur les coûts hospitaliers, mais uniquement sur une approche différente des soins de santé offerts à la population.Ces nouvelles orientations impliquent nécessairement un accès plus limité aux services de soins spécialisés et sans doute des séjours écourtés dans les institutions hospitalières.

Nous comparons ici les soins de courtes durées requis pour une intervention chirurgicale. Le coût des actes médicaux est généralement inclus dans cette tarification. Le per diem à l’Hôpital des enfants de l’Est à Ottawa est de $1146, tandis qu’il est de $981 à l’Hôpital pour enfants de Montréal ($650 à l’Hôpital Ste-Justine).

Le per diem de l’Hôpital général d’Ottawa est de $828 tandis qu’il est de $681 à l’Hôpital général de Montréal et de $668 à l’Hôpital Royal Victoria de Montréal. C’est l’Hôpital civique d’Ottawa qui offre le per diem le moins élevé de la capitale nationale à $685, tandis que celui du Heart Institute d’Ottawa, situé sur le même campus, est de $756.

Par exemple, un séjour de 5 jours à l’Hôpital général d’Ottawa qui coûtait jusqu’ici en tout et partout $4140, coûtera désormais $3726 additionné au coût de l’acte médical de $2000, $3000 ou plus selon le type d’intervention.

Les plafonds de revenu pour les médecins spécialistes dans chaque province en témoignent. Au Québec, un médecin spécialiste ne peut gagner plus de $250 000 par année sans que ses honoraires à l’acte soient coupés par la Régie de l’Assurance-maladie du Québec. Pour les médecins spécialistes ontariens, ce plafond dépasse le demi-million.