L’anthrax frappe encore cette année chez la population de bisons des Territoires du Nord-Ouest. Cinquante-six bêtes sont mortes au cours des dernières semaines dans le parc national Wood Buffalo, près de Fort Smith et un orignal a probablement succombé de la même infection. La persistance des spores dans le sol sur une longue période peut expliquer le retour de la maladie, mais la science ne donne pas de réponse aux spécialistes sur les mesures à prendre pour endiguer le fléau.
« Il y a différentes approches, mais quel procédé est le meilleur ? » questionne Mike Keiser, gestionnaire des services à la clientèle à Parcs Canada. Lors de la perte de 170 bêtes en 1993 au sanctuaire de bisons du Mackenzie, les carcasses ont été enduites de chaux et brûlées. Une mesure que les dirigeants du parc Wood Buffalo sont réticents à prendre. « C’est difficile de brûler les animaux dans notre forêt, qui est très dense », ajoute Mike Keizer. « Et il n’est pas prouvé que le brûlage peut réduire la quantité de spores. » Le saupoudrage de produits chimiques dans les parcs nationaux n’est pas non plus une alternative envisagée, par mesure de protection environnementale. L’anthrax, qui peut infecter l’humain, demande des mesures particulières de santé publique. C’est ce qui peut expliquer l’utilisation de la chaux et du brûlage par les employés du sanctuaire qui est à proximité de Fort Providence.
Ces divergences de prise de position peuvent s’expliquer par la réglementation. Pour Parcs Canada, qui administre le parc national Wood Buffalo, l’anthrax est une maladie qui survient couramment et ne demande pas nécessairement d’intervention. Le ministère des Ressources, de la Faune et du Développement économique, qui gère le sanctuaire de bisons du Mackenzie, voit les choses autrement. « L’anthrax n’est pas une maladie naturelle, explique Dan Dragon, employé au ministère et auteur d’une étude doctorale sur l’épidémie d’anthrax de 1993. « Notre mandat est de réduire au maximum la présence de la contamination. »
Lors de son étude, Dan Dragon a remarqué qu’à la suite des mesures prises au sanctuaire, l’anthrax a pris du recul. « Nous n’avons pas eu de cas depuis 1993, contrairement au parc national Wood Buffalo qui voit le retour de la maladie. » Mais le spécialiste se retient de mettre en relation les gestes posés pour enrayer la contagion et l’absence d’anthrax. « Rien n’indique que brûler ou laisser les carcasses non traitées peut faire reculer l’infection. »
L’une des inquiétudes soulevées par la contamination des bisons à l’anthrax est la propagation à d’autres cheptels, comme les fermes d’élevage de bovins en Alberta. « C’est déjà arrivé dans les années 1960 », relate Dan Dragon. « Les bisons infectés peuvent voyager. Mais peu d’études sur l’expansion de la maladie ont été effectuées jusqu’à maintenant. » Mike Keizer, quant à lui, estime que les risques sont très faibles, puisque l’animal meurt au bout de deux ou trois jours.
Selon le gestionnaire à la clientèle, la présence de l’anthrax est loin d’être aussi menaçante que les cas de fièvre aphteuse ou de vache folle qui ont secoués l’Europe au cours de la dernière année. « Il faut une inhalation des spores pour qu’il y ait contamination. Le bison est une espèce animale qui aime se rouler sur le sol, ce qui soulève la poussière qui contient les spores. Sans ces conditions, ça ne s’attrape pas beaucoup. » Dan Dragon ne se veut pas aussi rassurant car, selon lui, puisque les spores restent dans le sol durant plusieurs années, la menace est latente. « C’est une présence difficile à gérer, mais ce n’est pas impossible. » Les dirigeants du parc national Wood Buffalo ont fermé la région touchée par l’anthrax, ce qui représente une zone de 341 kilomètres carrés sur un territoire de 44 807 km2. « C’est la meilleure solution. La nature va s’occuper des carcasses », indique Mike Keizer. « Nous surveillons par hélicoptèretous les deux jours la zone contaminée et à tous les quatre jours par avion l’ensemble du territoire. »
Malgré ces préoccupations sanitaires, le parc national Wood Buffalo, qui abrite 2 925 bisons, est toujours ouvert au public alors que le décompte continue.