Alors que les médecins spécialistes de l’hôpital territorial Stanton font pression sur le gouvernement pour obtenir de meilleures conditions salariales, Bésha Blondin pratique sa médecine dans son centre de santé Nats’eju’ Dahk’e. La guérisseuse dénée a pignon sur rue à Yellowknife depuis une année et demie. Sa clientèle, autochtone et non autochtone, est nombreuse et fidèle. Puisqu’elle ne se fait pas rémunérer pour sa pratique, les bénéfices qu’elle en retire vont au-delà de l’intérêt pécuniaire.
« La médecine traditionnelle peut être une solution aux problèmes auxquels nous faisons face présentement dans notre système de santé, raconte la guérisseuse originaire de Deline. Pour moi, l’argent n’est pas la réponse à tout. C’est plutôt comment nous allons soigner ces gens qui est important. Nous devons trouver les meilleures solutions pour guérir les gens. »
Elle se souvient d’une femme atteinte de l’hépatite C qui est venu la consulter. « Je lui ai administré des médicaments à base de bouleau pour nettoyer son système intoxiqué par les pilules que le médecin lui avait fait prendre », raconte-t-elle. « Notre médecine est une alternative aux pilules. Ces médicaments rendent parfois encore plus malade. Notre médecine ne donne aux patients que ce dont ils ont besoin, pas plus. »
Nostalgique, elle se demande ce qu’est devenue la vocation de médecin. « Je n’aime pas entendre des histoires négatives à propos du système de santé. Souvent, ce sont les gens qui sont dans le système qui causent des problèmes, pas les patients. Nous devons remettre sur pied ce système. Il y a trop de programmes, trop de dirigeants. »
La pratique de la médecine traditionnelle, aux Territoires du Nord-Ouest, est plus souvent qu’autrement reléguée aux cuisines de maisons. La plupart des guérisseurs autochtones exercent leurs talents au sein des communautés. Peu d’entre eux ont, comme Bésha, un bureau où les clients peuvent s’arrêter. « Il y a toujours eu des guérisseurs, mais ils sont anonymes, tranquilles dans leurs maisons. Leur réputation s’est bâtie avec le bouche-à-oreille », indique-t-elle.
Le système de santé des TNO ne nie pas l’existence des guérisseurs. Un programme existe pour les autochtones depuis 1999, qui leur permet d’être suivi à la fois par un guérisseur et un médecin. Seulement, seuls les membres des Premières Nations et les Inuits ont accès à ce service, le Programme de services de santé non assurés de Santé Canada. Selon le ministère de la Santé et des Services sociaux, un centre de santé regroupant les services d’infirmerie, de médecine et de médecine traditionnelle pourrait éventuellement voir le jour.
C’est d’ailleurs le rêve de Bésha Blondin, qui voyage beaucoup à travers le pays et le territoire. Son équipe peut se déplacer dans les communautés pour organiser des ateliers. Bésha s’est rendu à plusieurs reprises en Ontario, où un modèle différent de médecine traditionnelle a été mis sur pied. « Le système serait meilleur s’il y avait un édifice, où les guérisseurs pourraient se retrouver et travailler avec les médecins et les infirmières, et où les gens auraient accès à différents types de soins », explique-t-elle.
La guérisseuse est convaincue des bienfaits de son approche. « Si nous ne pouvons pas soigner, que les médecins le fassent. Mais au lieu de faire des chirurgies et d’extraire des parties du corps, laissez-nous guérir en premier », demande Bésha Blondin, qui assume elle-même tous les frais de voyage et les dépenses reliés aux activités de son centre. Elle aimerait que la pratique traditionnelle soit reconnue au même titre que la médecine pratiquée dans les hôpitaux et les cliniques. « Quand une personne malade vient me voir, elle repart comme un petit enfant, émerveillée, en dansant. » Pour cette femme, qui a appris ses connaissances auprès des aînés de sa communauté, la pratique de la médecine traditionnelle est un pur plaisir.