le Lundi 21 avril 2025
le Vendredi 17 octobre 2008 0:00 | mis à jour le 20 mars 2025 10:37 Santé

Brain Gym: On y croit ou pas

Brain Gym: On y croit ou pas
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Le Brain Gym, ou gymnastique du cerveau, ou encore kinésiologie éducative est une méthode qui vise à développer les capacités d’apprentissage en utilisant des mouvements et des exercices simples et ludiques. Le public visé est autant les enseignants que les parents.

Jan McNeely, aide-enseignante spécialisée en enfants à besoins spéciaux à l’école Diamond Jenness de Hay River, commence ses classes par une séance de 7 minutes de cette gymnastique. « Ça permet aux enfants de se préparer au cours pour être en meilleur état d’apprentissage, explique-t-elle, ils sont plus réceptifs pendant la classe . »

De son côté, le personnel de l’école Boréale a suivi une journée de formation avec Patricia Elford. Libre ensuite à chaque enseignant d’adopter cette pratique ou non dans sa classe. Laurent Dorn, assistant en enseignement, estime que la gymnastique amène ses élèves à un meilleur niveau d’attention.

Mme Elford est totalement subjuguée par les effets positifs qu’elle reconnaît tirer elle-même de la pratique de ces exercices. « Je suis une ancienne enseignante. Un jour, on m’a offert un livre sur ce sujet, dit-elle. Ce fut un choc, une révélation. Depuis, je me suis formée en Alberta et à Ottawa, ensuite j’ai commencé à donner des formations pour des femmes, puis pour des éducateurs et aujourd’hui je fais aussi des formations pour apprendre aux gens d’affaires à gérer leur stress. » Après un silence de réflexion, Mme Elford décrit les bienfaits qu’elle expérimente sur elle. « Avant, j’avais des difficultés avec les nombres, je n’arrivais pas à les maîtriser. Maintenant je n’ai plus de problème. Avant, je ne chantais pas. À présent, je fais partie d’une chorale. »

Dans l’atelier que Mme Elford a prodigué à des femmes de Hay River, les mêmes espoirs flottent dans la salle. Interrogée sur leur motivation à suivre un atelier qui coûte 100 $ par jour, la majorité des femmes souhaite améliorer leur développement personnel et celui de leur famille. Elles ont reconnu suivre ces cours pour soulager un enfant et apporter un bien-être auquel elles veulent croire profondément. Une jeune femme souhaite en retirer des bénéfices pour s’épanouir dans son emploi de bibliothécaire. « Je manipule beaucoup de documents et beaucoup de chiffres reliés à ces documents, parfois je suis saturée, soupire-t-elle. Je crois que cette technique va m’aider à mieux me centrer sur mes tâches. » La méthode de travail corporel est basée sur des mouvements tirés de pratiques orientales telles que le yoga et le tai-chi qui s’enchaînent d’une manière dynamique. Le but est, selon le fondateur, de rééduquer le fonctionnement des deux parties du cerveau afin de développer les capacités d’apprentissage et la gestion des émotions. Cette gymnastique a été mise au point par un éducateur américain, Paul Dennison, au début des années 1970, afin d’aider les apprenants en difficulté. M. Dennison évolue dans la culture américaine de l’époque : c’est l’après-guerre du Vietnam, les années hippies avec la devise du peace and love, la recherche de soi dans des temples en Asie bouddhique et hindouiste auprès de gourous. Le développement personnel devient un but et le contexte de ces années voit éclore des écoles de pensées multiples à ce sujet. C’est aussi le fracas de la théorie des deux parties du cerveau. Trois neurologues américains, ayant travaillé sur des personnes porteuses de lésions dans cet organe, créent le concept de latéralité du cerveau, repris par M. Dennison pour donner un fondement scientifique à sa technique. Selon ces chercheurs, chaque hémisphère du cerveau est spécialisé : à gauche, pour le langage et la raison, à droite pour la représentation spatiale et les émotions.

Il y a maintenant 30 ans, M. Dennison a emprunté de-ci, de-là des mouvements de gymnastiques orientales, des données scientifiques en neurologie et en psychologie qu’il a adaptées à ses besoins, des extraits de recherches universitaires pour crédibiliser des observations empiriques faites sur des groupes d’apprenants, il a mélangé le tout et a surfé sur la vague du développement personnel pour vendre son produit dans le milieu éducatif. Même si la théorie de la latéralité est aujourd’hui officiellement dénoncée et infirmée par les recherches menées depuis une dizaine d’années, la kinésiologie éducative fonctionne toujours à partir du vieux modèle.

Certains détracteurs dénoncent la kinésiologie (du grec kinésis : mouvement) comme un vaste fourre-tout de manipulations scientifiques trompeuses. À l’époque où M. Dennison mettait au point son concept, d’autres gourous du développement personnel mettaient au point les leurs : kinésiologie des éléments énergétiques du corps du Dr Gooheart; kinésiologie de la santé par le toucher du Dr Thie; kinésiologie des blocages d’énergie du Dr Scott; kinésiologie comportementale dans l’environnement du Dr Diamond; kinésiologie pour soigner les points d’équilibre énergétique du corps; kinésiologie émotionnelle pour trouver l’origine somatique des maladies. Certaines dérives sont apparues, éveillant la vigilance des pouvoirs publics en France notamment. L’exemple le plus marquant s’est produit en novembre 2000, lorsqu’un enfant de 16 mois est mort de malnutrition. Ses parents, ingénieurs de formation, étaient des adeptes de la branche kinésiologie « la santé par le toucher » prônant que des tests et des exercices musculaires résolvent les problèmes de santé.

Actuellement, la kinésiologie éducative est l’empire de M. Dennison. Celui-ci règne sur un réseau d’associations présentes dans 80 pays. Sa fondation accueille volontiers les dons des bienfaiteurs. Son public s’est élargi. De nos jours, sa technique veut rejoindre « tous les gens qui veulent faire un grand changement dans leur vie. »