le Vendredi 18 avril 2025
le Vendredi 11 avril 2025 10:32 | mis à jour le 11 avril 2025 11:36 Santé

Un changement légitime et attendu

L’hôpital territorial Stanton, à Yellowknife. — Photo Archives Aquilon/Batiste Foisy
L’hôpital territorial Stanton, à Yellowknife.
Photo Archives Aquilon/Batiste Foisy
Des infirmier.ères affirment qu’il est légitime qu’ils puissent avoir leur propre convention collective et qu’il y a longtemps que cela aurait dû être fait. La députée de Yellowknife Nord Shauna Morgan a présenté le 13 mars dernier un projet de loi allant en ce sens.
Un changement légitime et attendu
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Caroline*, une infirmière qui travaille depuis une dizaine d’années à l’hôpital Stanton de Yellowknife, a accueilli cette démarche avec « une grande excitation, le sentiment d’être enfin entendu […] et d’une action politique authentique. »

Cette autonomie, les infirmières la demandent depuis 30 ans, avance-t-elle. « Avoir notre propre voix est un mouvement qui prend de l’ampleur. C’est totalement légitime et depuis longtemps attendu. Les infirmier.ères méritent la même autonomie et la même représentation qu’ont les médecins et les professeurs. »

*Caroline : Un nom fictif a été utilisé pour protéger l’anonymat de la personne

 

Pour une convention améliorée

Sheila Laity appuie le projet de loi de la députée Morgan, en tant qu’infirmière travaillant depuis 32 ans aux TNO, mais aussi en tant que citoyenne qui ne rajeunit pas.

« Je veux un système de santé bon et durable. Nous manquons de personnel permanent », dit Mme Laity, qui considère que les infirmier.ères d’agence sont mieux traités que celles en poste et contribuent peu à l’économie locale. « Si nous voulons recruter du personnel qui viendra travailler et vivre ici, nous devons avoir des conditions attrayantes. […] La convention actuelle est bidon. »

Le Syndicat des travailleurs du Nord (STN) regroupe l’ensemble de la fonction publique ténoise en vertu de la loi. Parce que les infirmier.ères y sont minoritaires, leurs revendications sont étouffées au sein de la convention globale, observe Sheila Laity. Tout comme sa collègue Caroline, elle dit qu’une convention spécifique permettrait d’introduire un ratio patient-infirmier.ères et d’autres mesures importantes. « C’est difficile de faire valoir ce type d’agenda dans un groupe », note-t-elle.

La priorité numéro 1 devrait être un salaire et des avantages sociaux plus élevés, avance Caroline. « Ensuite, une voix professionnelle beaucoup plus forte avec le syndicat et les gestionnaires. Notre propre convention collective nous donnerait ce qu’il y a dans d’autres provinces. Les gens sous-estiment beaucoup la puissance d’une voix professionnelle qui est respectée et prise au sérieux. Les infirmier.ères aux TNO ne se sentent pris au sérieux ni par le syndicat ni par l’employeur. »

L’infirmière de Stanton souhaite également des investissements dans le développement professionnel et l’éducation continue ainsi qu’un ajustement dans les primes de quart, particulièrement pour certains secteurs de soins spécialisés et les quarts de nuit.

Une discussion sur le projet de loi de la députée de Yellowknife North est à l’ordre du jour de la réunion de la section locale 11, qui regroupe le personnel de Stanton, le 11 avril. Préalablement à cette rencontre, rapporte Caroline, environ 25 % de ces employés ont participé à un vote informel sur l’idée d’une convention collective spécifique. « Nous avons eu quelque chose comme 86 oui et aucun non », rapporte-t-elle.

Ils ne veulent aucun changement. Ils ont monopolisé la représentation des travailleurs de la fonction publique. […] C’est très autoritaire.

— Caroline, nom fictif utilisé pour protéger l’anonymat

Non-recevoir

Le projet d’une convention collective spécifique est cycliquement avancé depuis 30 ans, selon Caroline et Sheila Laity, mais se heurte à l’hostilité du Syndicat des travailleurs du Nord. 

« Au printemps dernier, un groupe d’infirmier.ères s’est assis avec le STN dans une tentative d’avoir leur propre convention et ça n’a pas bien été reçu », rappelle Caroline.

 Le Syndicat ne veut pas que les infirmier.ères aient leur propre convention collective. « Ils ne le diront pas publiquement […], mais derrière les volets clos et à l’interne, ils nous disent “N’en parlez même pas”. […] Nous sommes utilisés comme un levier de négociation, pas dans notre propre intérêt. »

Dans une réponse au projet de loi de Mme Morgan, le STN avance qu’en se séparant, les infirmier.ères perdraient leur pouvoir de grève. « Il n’y a pas d’évidence de cela, dit Caroline. Les infirmier.ères ne sont pas essentiels de facto. » Sheila Laity abonde dans le même sens : « J’ai été très impliquée dans le STN, […] j’ai été la personne qui négociait ce qui est essentiel et ce qui ne l’est pas. Il y a beaucoup d’infirmier.ères qui ne seraient pas considérés comme des travailleurs essentiels. […] Des infirmier.ères vont en grève à travers le Canada. »

 

Monopole 

L’autre argument du STN est qu’avec une entente de travail spécifique à leur profession, les infirmier.ères risqueraient de perdre les gains acquis lors des conventions précédentes avec le gouvernement en raison d’un vide juridique. Mais, avec les demandes répétées des infirmier.ères au cours des décennies, le STN aurait pu préparer cette transition. 

« C’est à dessein qu’ils ne se sont pas préparés, analyse Caroline. […] Ils ne veulent aucun changement. Ils ont monopolisé la représentation des travailleurs de la fonction publique. […] C’est très autoritaire. »

 

Consultation

Le Syndicat des Travailleurs du Nord rencontre actuellement ses membres à propos du projet de loi.

« C’est pour répondre aux questions et remettre les pendules à l’heure à propos de certaines mésinformations dites dans les médias et par le membre de l’Assemblée qui porte ce projet », explique Josée-Anne Spirito, vice-présidente exécutive régionale de l’Alliance de la fonction publique du Canada, section Nord, à laquelle est affiliée le STN. « On prend le temps de parler à nos membres pour leur donner de l’information et parler de certaines inquiétudes qu’on a par rapport aux changements proposés et de la façon dont c’est proposé. »

Mme Spirito, elle-même infirmière, affirme que le STN n’est absolument pas contre l’idée d’une convention pour les infirmier.ères. « On est en consultation avec nos membres, mais on a aussi entamé une discussion avec l’employeur sur comment on peut avancer avec ça. […] Si les membres veulent leur propre convention, il faut le faire d’une façon qu’il n’y ait pas de perte. »

Le manque de respect dénoncé par Caroline provient selon Mme Spirito de la « crise du système de santé », et la consultation actuelle des membres démontre que le vrai problème se situe dans les conditions de travail. Certain.e.s infirmier.ères croient qu’une convention spécifique est la solution, concède-t-elle, mais les opinions varient beaucoup.

L’actuelle convention collective des employés du GTNO expire le 31 mars 2026. « Nous sommes dans le processus de rassembler les propositions de nos membres, explique Mme Spirito. […] Après, il y aura une conférence pour décider de nos priorités. Assurément qu’il y aura des choses que nos infirmier.ères […] voudront voir comme changements dans cette convention collective. »