Parcourant les communautés du Nord depuis les 18 dernières années, Soraya Côté ne lâche pas prise et continue de se donner corps et âme pour ce qui est pour elle une vocation, voire même, un don.
Soraya Côté est travailleuse sociale. Elle fait partie d’une petite équipe composée d’infirmières et d’agents de la GRC qui pansent les plaies sociales d’une population d’environ 800 habitants. Se déplaçant entre trois communautés situées au Nord-Ouest de Yellowknife: Wha ti, Gamathi et Wekweti, il leur faudrait idéalement des ailes pour intervenir efficacement auprès de tous ces gens.
Dotée à la fois de finesse et de droiture, Soraya détient heureusement les qualités qui lui permettent de survivre dans un univers de tention et de conflits continuels.
«Je travaille dans un milieu constamment en crise. Ça prend donc un bon caractère et une personnalité forte pour distancier ton travail et ta propre vie. Je crois que le métier de travailleur social c’est quelque chose qui doit être en toi, c’est pratiquement un don!»
Son joli nom poétique, qui signifie aurore boréale en montagnais, lui était sans nul doute prédestiné puisqu’elle incarne, en quelque sorte, ce rayon de lumière qui guide et éclaire sur son passage.
D’origine montagnaise, Soraya est née à Métimekush, près de Sherfferville, au Québec. Ce n’est donc pas le fruit du hasard si elle a consacré ses 18 années de carrière à travailler auprès des communautés autochtones.
«J’ai toujours travaillé auprès des communautés autochtones car mon coeur s’y trouve.»
Pour les trois prochaines années, elle interviendra auprès du peuple déné. Elle agira en tant qu’agent de liberté sur parole et de probation, assurera la protection de la jeunesse, veillera aux familles d’accueil, prendra en charge les cas de violence conjugale et s’occupera des jeunes contrevenants. Ouf! travail général et diversifié qui la tient en haleine pratiquement 24 heures sur 24. Véritable don de soi, son travail ne lui laisse pas beaucoup de temps pour souffler.
«Chez les Dénés, c’est assez particulier car les femmes sont soumises à l’homme. C’est un droit acquis dans leur culture que l’homme puisse dominer sa femme. C’est difficile pour moi car, chez les Montagnais, les femmes occupent un rôle très important, elles sont la voix derrière l’homme.»
Puisque cette réalité culturelle est imbriquée dans leur quotidien, les cas de violence conjuguale sont très fréquents et surtout, très difficiles à résorber.
«Les femmes sont victimes de la pression sociale exercée par la communauté. Elles se font dire «c’est ton mari, alors retourne vers lui». Quant aux maris, ils nient l’existence du problème et prétendent agir selon leur droit.»
Mis à part la violence conjuguale, l’abus, le jeu, l’alcoolisme et la toxicomanie figurent aussi au palmarès des maux de la société. Les enfants, quant à eux, sont plutôt victimes de négligence.
«Il y a aussi des cas d’abus sexuel, mais c’est un terrain qui n’est pas encore bien exploré. D’une part, parce que les abus se perpétuent de génération en génération, d’autre part, parce qu’ils restent secrets. (…)Avant d’intervenir, il faut t’assurer d’avoir une approche qui te prépare à ce que tu risques de recevoir. C’est ce qu’on appelle l’effet domino.»
Les choses prennent actuellement un tournant positif. Avec la nouvelle Loi sur la protection de l’enfance, entrée en vigueur le 1er novembre 1998, la communauté se voit engagée dans le processus qui mène à toute décision.
«C’est une bonne chose, car les gens prennent conscience des problèmes existants.»
Toute menue, un peu timide mais confiante, elle raconte avec encore un peu de crainte au fond des yeux sa mésaventure alors qu’elle travaillait dans une communauté des Territoires du Nord-Ouest et qu’elle fut violentée par un de ses clients. Malgré cette période plus sombre, où elle dut prendre quelques années de repos, l’amour du métier a vite fait de ressurgir. Et comme un soldat prêt au combat, elle décida de reprendre son travail auprès des communautés.
«J’aime les petits contrats à court terme, car il vient un temps où les gens de la communauté s’habituent à toi et remettent leur sort entre tes mains. Alors, c’est bon de changer de communauté et, en même temps, ça fait un nouveau défi à relever.»
Mère de deux garçons, son métier de bohème l’oblige à partager son coeur entre l’amour du métier et celui de ses fils. Sachant très bien que la vie dans les communautés ne serait pas l’idéal pour eux, elle préfère les savoir dans un encadrement familial, au Québec.
Bien qu’elle soit loin de sa famille, Soraya Côté retrousse ses manches et s’apprête à affronter trois années qui ne seront certainement pas de tout repos!