La vie nous réserve des surprises. Appelez cela le destin, le chemin où le hasard, toujours est-il que l’aventure quotidienne apporte son lot de changements et de rencontres ! Me voilà assise dans un tipi-igloo version moderne, création d’un esprit influencé par les cultures autochtone et inuite. La maison est unique, aussi je n’ai aucun mal à m’y rendre malgré mon piètre sens de l’orientation !
Kayhan Nadji est architecte, il a effectué ses études en Iran et a quitté Téhéran pour suivre une belle étudiante iranienne venue au Canada compléter une formation en économie. Toutefois, il y a deux versions à cette histoire. « J’ai fait la connaissance de Zhila (prononcer Jila) à Téhéran et ensuite nous sommes partis à Montréal », affirme M. Nadji. Mme Nadji jette un regard à son mari, elle n’est pas d’accord et lance en riant : « Non, je suis retournée en Iran pendant les vacances estivales, c’est alors que j’ai rencontré Kayhan. Il est tombé en amour et il est revenu avec moi à Montréal ! » Faire une entrevue familiale s’avère une expérience intéressante, puisque chacun explique sa vision des choses ! Pendant un moment, les cinq membres de la famille étaient assis dans le salon lors de l’entrevue.
Établis à Yellowknife depuis une dizaine d’années, ils semblent particulièrement bien adaptés à la ville. « J’aime beaucoup l’atmosphère de cette petite ville où les gens s’intéressent de très près à vos allées et venues », révèle Zhila avec un petit sourire. Elle entre dans un magasin, et des gens qu’elle ne connaît pas, eux, la connaissent ! « C’est impossible de trouver la place parfaite, mais tout est relatif. Vous êtes heureux là où votre c¦ur l’est », souligne M. Nadji.
Tout le monde parle français, anglais et perse. À la maison, c’est en perse que l’on échange des murmures. « La plus jeune a l’accent québécois et elle étudie à l’école Allain St-Cyr », avoue maman. Avant le grand déménagement vers le Grand Nord, Kayhan, Zhila et leur trois enfants habitaient à Montréal. Ils y ont vécu pendant une dizaine d’années, et M. Nadji a reçu une offre d’emploi pour venir travailler au pays où c’est « toujours blanc et froid et où il y a des ours, des loups et des renards partout », comme le pensait Nabil, l’aîné, avant le grand déménagement. Aujourd’hui, il adore Yellow-knife. « On connaît tout le monde. Mes meilleurs amis sont ici et de belles opportunités s’offrent à moi. J’ai participé aux Jeux de l’Arctique et à un concours d’art oratoire », raconte Nabil. Quant à Zhila, elle travaille en tant qu’éducatrice auprès des autochtones. « Je me sens comme chez moi, les autochtones sont très spirituels et chaleureux, comme les francophones au Québec », souligne cette dernière. « La rue Saint Denis, au c¦ur de Montréal, évoque dans ma tête une image de Téhéran avec ses petits cafés », ajoute Mme Nadji.
« Le sens de la famille chez les Premières nations me rappelle aussi des souvenirs de mon Iran natal. Pour les jeunes Iraniens, la famille élargie occupe une grande place », poursuit-elle les yeux brillants. Que leur réserve l’avenir ? Zhila me regarde, lève les yeux au plafond en pointant les cieux. « Il connaît », me lance-t-elle en riant.
Ronde comme un igloo avec un toit en forme de tipi, leur demeure est un mélange inhabituel des cultures iranienne, autochtone et nord américaine. Au milieu de la maison trône un foyer muni d’une cheminée d’environ 10 mètres. L’escalier en spirale permet d’accéder aux deux étages supérieurs (la maison en compte quatre en incluant le sous-sol qui sert d’atelier d’art, et le plancher principal). Les plans de cette construction originale n’ont pas fait l’unanimité ! Un fonctionnaire de Yellowknife avait d’ailleurs refusé les plans de Kayhan, sous prétexte « qu’une maison, c’est carré ».
Kayhan n’est pas seulement architecte, il est aussi artiste. Peinture à l’huile, aquarelle, photographie font également partie des activités de Kayhan et décorent tous les murs de la forteresse. Cette dernière est habitée par des gens bien occupés, qui se sont adaptés au Nord avec une belle ouverture d’esprit ; un esprit teinté de spiritualité.