Aux T.N.-O., personne n’a joué un aussi grand rôle que Gilbert Adelard Labine, pour mettre un terme à la Deuxième guerre mondiale. L’uranium de la mine qu’il a contribué à établir à Port Radium a été utilisé dans les fameuses bombes atomiques qui ont rasé deux villes japonaises, Hiroshima et Nagasaki, en 1945.
Ce prospecteur, dont le grand-père est francophone, entame sa carrière en 1906, à l’âge de 16 ans. Il participe à la découverte de nombreux filons d’or et, avec son frère Charles, fonde El Dorado Gold Mines en 1926, au Manitoba. Les quantités extraites sont insuffisantes pour être véritablement rentables, mais l’investissement permet à Gilbert LaBine d’entreprendre son fameux voyage sur les rives du Grand lac de l’Ours, en 1930.
L’histoire de sa quête pour découvrir une source de radium débute en 1913, lorsqu’il fait la connaissance du Dr Willet Miller, le géologue en chef du gouvernement provincial de l’Ontario. Ce dernier lui montre un extrait de pechblende, une roche contenant du radium et de l’uranium.
Ce caillou aurait sans doute laissé le prospecteur indifférent, si ce n’avait été de la valeur de son contenu. Le radium se vendait alors pour environ 75 000 dollars le gramme, ce qui représentait une fortune significative à l’époque. En comparaison, l’argent se vendait en moyenne pour 40 ¢ de l’once. Deux sources de radium étaient connues au monde et étaient opérées par un cartel Belge.
Au cours d’un trajet rempli de péripéties, Gilbert LaBine découvre, le 16 mai 1930, le filon qui allait assurer son avenir et déterminer le sort de deux villes japonaises. Loin de vouloir détruire le monde avec des armes nucléaires, il songe plutôt l’utilisation médicale du radium. Cet élément, découvert par Pierre et Marie Curie (la première femme à remporter un prix Nobel), est alors employé pour lutter contre le cancer. L’idée que l’uranium contenu dans la pechblende pourrait causer la destruction de la planète n’est pas venu à l’esprit du prospecteur en 1930. Après avoir obtenu un prêt bancaire, il monte l’équipement nécessaire pour entamer la construction d’une mine sur les rives du Grand lac de l’Ours, à Port Radium. Une raffinerie est également construite à Port Hope, en Ontario, où les métaux sont transférés.
Pourtant, la fortune n’est pas instantanée. Les réserves de radium entreposées par le cartel belge font chuter le prix de l’élément de 75 000 à 20 000 dollars le gramme en peu de temps. Le coût du transport des matériaux finit par gruger les profits d’Eldorado, ce qui entraîne la fermeture de la mine en 1940.
Deux années plus tard, le projet Manhattan allait la raviver. Mis au courant du potentiel destructeur des éléments radioactifs, le gouvernement canadien présente une offre d’achat à Gilbert LaBine. Ce dernier est également chargé d’acheter les parts des actionnaires pour le compte d’Ottawa. Eldorado devient une société de la couronne et le prospecteur garde le poste de président. Le gouvernement canadien vend aux Américains l’uranium qui allait mettre un terme à la guerre.
Gilbert LaBine démissionne en 1947 et devient le plus grand producteur d’uranium en Amérique du Nord lorsque le gouvernement canadien permet aux entreprises privées de l’extraire. L’élément se retrouve cette fois en Saskatchewan, loin des forêts vierges et des lacs presque inaccessibles des Territoires.
Tout au long de sa vie, il recevra de nombreux hommages. Ceux qui reflètent sans doute le mieux l’ironie de sa carrière sont les distinctions pour la lutte contre le cancer et l’Ordre de l’Empire britannique pour services rendus durant la guerre. Il est décédé en 1977.