Jean-Marc fait partie de deux minorités visibles, il est policier au sein d’une communauté d’un peu plus de six cents habitants et il est blanc. Il s’est joint à la Gendarmerie royale du Canada (GRC) en 1991. « Je voulais effectuer un travail au sein de la police et je voulais voir du pays », admet-il en riant. Son désir s’est réalisé. Envoyé à Régina, Saskatchewan, pour recevoir une formation, il se fait ensuite muter en Colombie-Britannique. En 1996, il part pour la communauté d’Igloolik au Nunavut. En 1998, Fort Good Hope (Territoires du Nord-Ouest) l’accueille pour deux ans. Et le voilà aujourd’hui à Sanirajak, et ce jusqu’en 2002. « Mon patron avait passé plusieurs années dans le Nord et il me contait des histoires », souligne-t-il pour expliquer sa présence du policier au nord du 60e parallèle. Prochaine destination après Sanirajak ? « On va peut-être aller à Iqaluit ou Yellowknife », souligne Jean-Marc. Il faut préciser, il ne voyage pas seul : sa femme, Cheryl, est travailleuse sociale. Le couple a également une petite fille, Alexandréa. « Mon père s’appelle André et ma femme aimait bien Alexandre », avoue Jean-Marc en expliquant l’origine de ce nom inusité.
Habitant les petites communautés éloignées depuis décembre 1996, Jean-Marc s’exclame : « On aime encore ça », murmure-t-il pour lui-même. Puis il ajoute : « On aime le train de vie et l’interaction amicale avec les gens de la communauté. »
Toutefois, ce n’est pas toujours facile d’être policier en région éloignée. Au cours des 18 derniers mois, on a fait feu sur trois membres de la GRC, et l’un d’entre eux est décédé à Cape Dorset. Parfois, Jean-Marc a dû travailler, seul, 155 jours sur 365. La GRC tente actuellement d’avoir deux membres dans chacune des communautés. Pour ce faire, elle embauche des retraités qui couvrent les remplacements de vacances. « On essaye de toujours répondre aux appels à deux. Tu ne sais jamais ce qui t’attend », explique Jean-Marc. Certaines communautés ont beaucoup de problèmes sociaux et Sanirajak ne fait pas exception.D’ailleurs, à l’entrée de la Coop, une affiche a été gribouillée. L’affiche portant la mention « la violence n’est pas notre façon de vivre », s’est transformée en « la violence est notre façon de vivre ».
« Je ne prétends pas avoir les réponses à tout. Je préfère m’asseoir avec les aînés et les professionnels et discuter », admet le jeune policier de 31 ans, en mentionnant que les temps ont bien changé pour les policiers. « Quand on était jeunes, les parents enseignaient aux enfants que la police était là pour eux. Aujourd’hui, c’est différent. Dans toutes les communautés, les enfants sont d’abord réticents. Mais maintenant, ils me grimpent dessus quand ils me voient », lance-t-il en riant.
Avec les adultes, c’est différent. « On est ici pour seulement deux ans. On ne développera jamais des liens bien intimes. Ça peut arriver. En gardant l’esprit ouvert, en ne jugeant pas les gens, on continue d’aimer la vie dans le Nord. »
Maman. Daddy. La petite voix d’Alexandréa se fait entendre. Elle faisait la sieste. « Je joue le père ! Pas Dieu le père. Au lieu de jouer à la mère, je joue au père », s’exclame Jean-marc en allant chercher sa puce.
« Mes passe-temps, c’est ma fille, ma famille et ma connexion à Internet ! « On a une motoneige alors on va se promener tous les trois. Mais je ne suis pas un chasseur ni un pêcheur. Je viens de Montréal et je n’ai pas développé un goût pour cela. J’aime mieux aller au Hunters and Trappers Association pour me chercher un morceau de poisson au lieu de m’asseoir devant un trou à – 40C ! Yves Laroche (chroniqueur de chasse et pêche de L’Aquilon) va rire ! », s’exclame Jean-Marc avant de tourner toute son attention vers Alexandréa.