Quand l’été arrive, ce Déné de Tulita délaisse les studios et prend le temps de retourner dans les bois. Il s’assied avec les anciens, parle, chante et gratte sa guitare. « J’essaie de me rappeler d’où je viens. J’essaie d’être un bon Déné. » Une philosophie qui le suit partout, des studios de télévision au c¦ur de la forêt boréale. Même si plusieurs années le séparent du temps où il vivait sur la terre, sa mémoire est encore parmi les anciens. « J’essaie d’être un bon modèle, surtout pour la jeunesse, ajoute-t-il. J’essaie de ne pas boire ni fumer. C’est ce que les anciens m’ont enseigné. »
Paul Andrew ¦uvre à la radio et la télévision depuis 17 ans, après ses études et quelques années à la tête du conseil de bande de Tulita. Il a fait ses débuts derrière un microphone à Inuvik. Le médium radiophonique est d’ailleurs celui qu’il préfère. « La langue dénée se transmet mieux par la communication orale, explique-t-il. C’est une langue qui est très imagée. J’ai essayé, à la radio, de stimuler l’imagination à travers la langue », ajoute l’homme de 49 ans, en envoyant la main à quelques personnes qui, le reconnaissant, lui adressent un sourire. Être à la barre d’un bulletin télévisé tous les jours implique la perte de l’anonymat. L’homme fort des médias locaux vit avec sérénité la transition entre les traditions de son milieu d’origine et la vie économique de la capitale. « C’est une transition qui est surtout physique. Je suis à Yellow-knife, donc mon style de vie a changé. Mais je n’ai pas à être différent dans ma façon de voir la vie. J’ouvrirai toujours la porte aux gens, et non pas seulement parce que c’est une femme ou un aîné, mais parce que c’est un être humain. » Humaniste, Paul Andrew ? Il pose un regard sur les siens, parle de solidarité d’est en ouest entre les Premières nations. « Nous avons plusieurs combats en commun. Que ce soit la crise d’Oka ou Burnt Church au Nouveau-Brunswick, nous savons exactement ce dont il est question. » L’ancien vice-président de la Nation dénée estime que les Autochtones aux Territoires du Nord-Ouest ont une situation enviable, mais surtout qu’un long chemin a été parcouru. « Nous avons un pouvoir politique ici, une forte influence. Quand j’étais chef à Tulita, nous voulions un contrôle total des terres. Notre vision a énormément changé. »
La Journée nationale des Autochtones lui donne l’occasion de saluer les rapports entre les Premières nations et les non autochtones. « Parce que les attitudes vis-à-vis les revendications territoriales ont changé, les relations sont nettement meilleures qu’il y a 20 ou 25 ans. De plus en plus de non-autochtones veulent que les revendications aboutissent », indique celui qui mentionne que c’est cool d’être Autochtone aujourd’hui. « Un ami des Inuvialuit s’est fait demander un jour, alors qu’il était dans le Sud, s’il était Coréen et il a répondu oui. Avant, nous étions gêné d’affirmer notre identité. »
La plus grande satisfaction de son travail, c’est de savoir qu’il fait la fierté des anciens. Mais surtout, sa position incite la jeunesse à croire en l’avenir. « Un jeune me demande un jour : Tu es né dans les bois et tu fais de la télévision maintenant. Est-ce que je peux faire pareil ? » Paul Andrew lui a répondu avec insistance : « oui, tu peux le faire ». « Mon modèle, c’est les anciens. Je veux être un homme bon et donner aux gens qui viennent du même endroit que moi. Tout le reste est superficiel. »