Avec son mari et ses trois enfants, elle fêtera le nouvel an au Cape Breton, en Nouvelle-Écosse.
Affirmer sa différence
Elle n’avait que dix-neuf ans lorsqu’elle est arrivée à Hay River. Durant cette période, ses principales priorités n’étaient pas de préserver sa langue française et ses traditions, mais plutôt de gagner sa croûte et de vivre au quotidien. « C’est souvent comme ça que commence l’assimilation. Tu veux être comme tout le monde, faire ton travail, vivre normalement et surtout ne pas faire trop de vagues », lance-t-elle.
Cependant, elle avoue qu’à partir du moment où l’on décide de parler français en public et hors du cercle restreint des francophones de l’endroit, on affirme déjà notre différence. « Lorsque nous discutions en français en public, certains amis anglophones étaient surpris. Ils ne savaient même pas que je parlais français. S’affirmer en français devenait une sorte de geste politique ». Au fil du temps, l’importance d’obtenir des services et une éducation pour ses enfants dans sa langue maternelle devenait primordiale. Elle décide donc de s’impliquer et de former, avec d’autres personnes, un comité de parents francophones, puis elle s’investit dans la revitalisation de l’Association franco-culturelle de Hay River.
À propos de la minorité de gens qui rejetait le fait français, elle croit « qu’à force de répondre aux attaques personnelles, tu te rends compte que tu perds beaucoup d’énergie. Vient un temps où tu décides de les laisser parler et d’agir ».
À travers cette aventure, JoAnne Connors mentionne qu’elle a perdu plusieurs amis, mais que l’expérience lui en a apporté beaucoup plus. Elle ajoute que certaines personnes qu’elle croyait « amies et peut-être alliées ne l’étaient pas nécessairement », tandis que d’autres qui ne la connaissaient même pas personnellement appelaient à la maison pour lui dire de retourner chez elle. Elle a passé plusieurs moments difficiles et ce fut une longue traversée pour cette femme « à la tête dure », mais sensible.
Le courage de ses convictions
À partir de 1995, elle a œuvré à la reconnaissance du droit à une éducation en français. « Nous voulions prendre notre place au sein des instances éducationnelles déjà existantes, mais nous ne pensions pas que nous allions affronter une forte opposition de la part de certaines personnes qui avaient peur de perdre leurs acquis », d’expliquer JoAnne. Selon elle, en réclamant une éducation en français pour leurs enfants, les francophones « apportent quelque chose de différent et de nouveau à la communauté et participent à la vie sociale et culturelle de la ville ».
C’est ainsi qu’à la suite de plusieurs refus, le désir d’obtenir un programme d’immersion en français est devenu un projet transitoire avant l’obtention d’une école francophone. Elle se souvient de sa première rencontre avec Jean-Marie Mariez, responsable du programme français aux TN-O. Elle ne cessait de lui demander : « Combien il nous faut d’enfants pour avoir une école? »
Pendant ces années de luttes, elle précise qu’il a fallu établir des liens de confiance. Elle se souvient des nombreuses soirées au téléphone avec des parents qui doutaient et avaient peur d’inscrire leurs enfants dans le programme français ou à la francisation. Chaque fois, elle ne cherchait pas à les convaincre ou à leur imposer sa vision. « Je voulais être honnête avec eux », explique-t-elle.
« Il ne faut pas croire que j’étais toute seule dans l’aventure. Au tout début, il y avait aussi Marie-Claude Trottier, Christiane Poirier et Lorraine Taillefer qui ont travaillé très fort au projet », de préciser JoAnne. Ces quatre femmes sont devenues des pionnières qui ont permis, entre autres, la création de l’école francophone en 2001.
Lorsqu’elle croyait que son travail et son action bénévole ne semblaient donner aucun résultat, JoAnne allait s’asseoir dans la classe et écoutait les enfants parler en français. « À voir les sourires heureux des jeunes et à observer le fruit de nos efforts, je savais que nous étions sur la bonne voie. Ça me donnait l’énergie nécessaire pour continuer », raconte-t-elle.
Le départ
Les dernières semaines ont été très riches en émotions pour JoAnne et son époux. Plusieurs personnes ou groupes ont tenu à leur rendre hommage ou à les remercier pour leur implication dans la communauté.
JoAnne a le sentiment de partir avec l’esprit tranquille. « Si j’étais partie l’an dernier, je me serais sentie coupable. À ce moment, le projet de l’école n’était pas encore chose faite », explique-t-elle. En fait, il ne manque maintenant qu’un édifice pour l’école : « Construisez-le et les enfants viendront », a-t-elle lancé, lors d’une réunion de la Commission scolaire.