« Nous recommandons que la Loi fédérale sur l’égalité de salaire pour les femmes et les juridictions provinciales et territoriales sur l’équité salariale reconnaissent que les concepts d’habileté, d’effort et de responsabilité soient utilisés à titre de facteurs objectifs dans la détermination de ce qu’est un travail égal, avec la mise en évidence que les taux de rémunération seront calculés selon ces facteurs. »
En 1970, sept commissaires mandatés par le gouvernement fédéral, ont remis le rapport de la Commission royale sur le statut de la femme. Marcelle Marion avait la vingtaine, vivait au Manitoba et militait dans les organisations de femmes. Leader, elle a entraîné des jeunes femmes dans les sphères de la politique et de l’implication communautaire. Elle se souvient de ce document-clef qui établissait pour la première fois que les droits de la femme étaient basés sur la Déclaration universelle des droits de l’Homme : « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. »
« Cette étude m’a politisé. J’en suis encore émue. » Plus de 30 années plus tard, elle considère encore le document comme outil de référence dans sa lutte pour les droits des femmes.
Marcelle Marion vit aux Territoires du Nord-Ouest depuis près de six mois. À peine installée dans la capitale, elle a mandaté Nicole Loubert, ancienne représentante du Réseau national action éducation femmes (RNAÉF), de poser sa candidature pour le poste lors de l’Assemblée générale annuelle de la Fédération Franco-TéNOise en octobre dernier. Nouvelle venue, inconnue des membres de la francophonie des T.N.-O., elle obtient le poste. Marcelle n’est pourtant pas persona non grata auprès du RNAÉF.
Elle est l’un des membres fondateurs de l’organisation, née à la suite d’un colloque sur l’éducation des femmes tenu à Halifax en 1980. Elle a œuvré professionnellement dans l’éducation et la formation pour le compte du gouvernement fédéral durant plusieurs années. Au cœur des années 1980 elle a mis sur pied, dans sa province natale, Réseau Femmes, un groupe de femme politisées, et Pluri-Elles, un organisme d’entraide pour les femmes. Prenant exemple sur l’Islande, ce pays insulaire perché au nord de l’océan Atlantique, qui a eu au pouvoir en 1983 un parti politique composé uniquement de femmes, Marcelle Marion met en branle au Manitoba un parti de gauche, entièrement féminin. Le projet s’arrêtera à l’étape de la recherche. « Il y avait un manque de politisation auprès des femmes. »
Récemment diplômée de l’Université du Manitoba, Marcelle Marion est aujourd’hui avocate. Une génération s’est écoulée depuis la Commission royale sur le statut de la femme et le dossier de l’équité salariale est toujours en suspens. Plusieurs syndicats, dont l’Alliance de la Fonction Publique du Canada, se battent devant les tribunaux pour parvenir à une entente de paiement. La conseillère juridique du ministère de la Justice des T.N.-O. constate que le chemin des droits n’est pas complètement tracé pour les femmes. « Il n’y a pas de représentation égale dans le domaine des sciences, des nouvelles technologies et du sport. » Son arrivée au Palais de justice des T.N.-O. a été un choc. S’enquérant de l’existence d’un comité sur l’équité et l’égalité aux T.N.-O., elle se fait répondre candidement : « Nous n’avons pas ces problèmes-là ici. » De quoi réveiller la militante en elle.
« Nous avons peut-être diminué la priorité de l’égalité de la femme aujourd’hui, surtout au plan économique. Le gouvernement supporte moins les groupes de femmes. Nous n’avons plus de vision sociale. » Un constat que Marcelle Marion fait à propos d’une génération qui, selon elle, a peur du mot féminisme.
Le ton est optimiste chez la franco-manitobaine. « Notre mouvement communautaire est dans une nouvelle étape de son évolution. Notre passé est composé de protestations. Aujourd’hui, il fait de la pression politique. C’est ça qu’on va laisser à la nouvelle génération de femmes. »
Le pari n’est pas gagné d’avance, comme en fait foi le délaissement de la cause constaté chez cette nouvelle génération. « Les jeunes femmes reflètent les valeurs de la société. S’il n’y a pas de célébration de la vision féministe dans la société, elles ne la célèbreront pas. » Marcelle Marion ne perd pas espoir de bâtir un réseau de femmes engagées au Nord. « Il faut embrasser la cause féministe pour entrer dans le monde. »