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le Vendredi 5 avril 2002 0:00 | mis à jour le 20 mars 2025 10:35 Société

Une maison au lieu d’un vestibule Maison des jeunes

Une maison au lieu d’un vestibule Maison des jeunes
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C’est une maison spacieuse sur deux étages, avec douches, toilettes et cuisine. Les murs sentent la peinture fraîche. Au rez-de-chaussée, deux tables de billards trônent au centre d’une salle de séjour. Au premier, une pièce est entièrement informatisée. Depuis le début du mois de mars, plus de 150 jeunes vont et viennent dans cette chasse gardée qui leur est réservée. Pour plusieurs, la maison des jeunes Side Door de Yellowknife est plus qu’une chaumière accueillante. C’est le seul toit qui les abrite.

“ Nous avons le programme pour sans abris, qui fonctionne de minuit à huit heures du matin. Il fait chaud ici. Ça aide à remettre les jeunes sur pieds. ” Kevin Laframboise est un prêtre anglican. Depuis l’ouverture de la maison, il passe ses journées entières avec sa gang. Même sa fille, un bébé de quelques mois, dort sur l’un des divans de la salle de travail.

Le programme est né dans le sous-sol de l’Église anglicane de Yellowknife. Durant six ans, Kevin Laframboise a monté son projet, trouvé ses commanditaires, noué des contacts. La maison a été construite durant une année par trente jeunes de la rue, largement financée par la mine de diamants Diavik. L’ouverture officielle est passée inaperçue. Les jeunes n’ont pourtant pas manqué cet événement.

“ Plusieurs adolescents sont tristes, ils ont une mauvaise relation avec leurs parents, ils sont confus à propos d’eux-mêmes… ” Le constat du prêtre, qui est en première ligne, est brut, basé sur ce qu’il voit. Selon Greg Krivda, un travailleur social de Life Works, un centre d’orientation de la capitale, le prêtre ne connaît peut-être pas la réalité de la rue. Le Métis du Manitoba a passé cinq ans de sa vie dans les rues de Yellowknife avec les jeunes. Il a vu de près cette réalité.

“ Beaucoup de ces jeunes proviennent de familles dysfonctionnelles. Ils quittent la maison pour être autonomes et vivrent la vraie réalité de la rue. ” Selon l’orienteur, plus grave encore est le refus de la population de voir la situation. “ C’est un problème qui prend de l’ampleur pour une petite ville. Il n’y a pas beaucoup de travailleurs sociaux ici. ” Pour ces jeunes âgées en moyenne de 14 à 17 ans, se défier les uns les autres avec la consommation d’alcool et de drogues est presque anodin. “ J’en ai vu qui buvait de l’alcool pur jusqu’à ce qu’ils ne soient plus capables de se tenir debout. Ils se retrouvaient intoxiqués à l’hôpital. ”

Le travailleur de rue, qui mentionne qu’il n’y a qu’un seul service gratuit d’orientation dans la capitale, le Centre d’amitié Tree of Peace, estime que la maison des jeunes Side Door est un premier pas. “ Il faut un endroit sécuritaire pour ces jeunes. Ils peuvent rester debout toute la nuit dans le vestibule de blocs à appartements. ”

Ceux qui s’y retrouvent peuvent s’y tenir au chaud, mais également profiter de certains programmes d’apprentissage. Charpenterie ou électricité, la théorie occupe les heures creuses de ceux qui ont délaissé les bancs d’école. Les armoires de la cuisine renferment même de la nourriture pour les ventres vides. La maison est gérée par trois employés et une poignée de bénévoles. Greg Krivda donne son aval aux préjugés voulant que les maisons de jeunes soient investies par les drogues et l’alcool. “ Ils se retrouvent ensemble pour faire des activités, autant des bonnes que des mauvaises. ” Kevin Laframboise, qui a créé des liens avec la Gendarmerie royale, est confiant de laisser les drogues et l’alcool sur le seuil de la maison bleue.