le Dimanche 4 mai 2025
le Vendredi 19 avril 2002 0:00 | mis à jour le 20 mars 2025 10:35 Société

S’infiltrer par la voie maritime Immigration

S’infiltrer par la voie maritime Immigration
00:00 00:00

Les chiffres dressent un portrait minimaliste de l’immigration aux T.N.-O. : 62 nouveaux arrivants en 1998, 82 en 2000… La proportion d’immigrants à faire leur nid dans le nord du pays est faible comparativement aux flux d’étrangers qui s’installent dans le sud. « Il y a très peu d’immigrants aux T.N.-O. si on compare leur nombre avec celui du Canada », explique Judith Durocher, agente d’immigration de Citoyenneté et Immigration Canada. Compte tenu de cette réalité, seulement deux officiers d’immigration sont en poste aux T.N.-O. et au Yukon.

Pour Rob Huebert, directeur associé du Centre des études stratégiques et militaires de l’Université de Calgary, la diminution des effectifs au Nord est la conséquence directe des coupures de postes survenues à la fin des années 1980 au sein des ministères fédéraux. « Il s’agit d’un facteur purement économique et soyons francs, il y a très peu d’immigration au Nord. »

Ces ressources humaines restreintes pourraient toutefois poser problème à plus ou moins long terme. Les changements climatiques amorcés depuis quelques années sont dans la ligne de mire des spécialistes de la sécurité de l’Arctique. Le réchauffement planétaire pourrait faire des golfes Coronation et Amundsen une voie de passage commerciale, libre de glace plusieurs mois par année. Conséquences ? Un canal plus large que celui du Panama provoquant l’augmentation de la circulation de biens et de personnes et la naissance d’un problème quasi inconnu ici : l’infiltration de passeurs.

En 1999, un bateau de surveillance hydrographique chinois traverse les eaux bordant la communauté de Tuktoyaktuk. Personne sur place n’est au courant de cette visite inopinée. « On se disait : Ok, bon, qu’est-ce qu’on fait avec eux maintenant ? » Rob Huebert croit que cette situation, rarissime, peut devenir monnaie courante mais estime que la géographie est un problème plus grand que les ressources humaines limitées. « L’augmentation de la circulation maritime va provoquer une demande d’un plus grand nombre d’employés. Mais même avec plus de ressources nous ferons face au même problème. Il est impossible de protéger un aussi vaste territoire en mettant en poste une personne à chaque port d’escale. »

De nouvelles cargaisons

L’ouverture de la voie navigable au nord des T.N.-O. et la géographie poreuse du territoire sont deux aspects très attrayants pour les réseaux de passeurs. « Le fonctionnement de ces organisations serait semblable à celui que l’on rencontre sur les côtes est et ouest du pays », souligne Rob Huebert. Selon le spécialiste, ces réseaux emploient une personne qui est à l’interne et qui reçoit les immigrants illégaux. « Les réseaux de passeurs les plus efficaces sont ceux qui ont des contacts canadiens ou américains qui travaillent dans le milieu de l’immigration. Ce n’est pas, selon la croyance populaire, qu’une bande d’étrangers qui font entrer des gens illégalement au pays et qui les abandonnent par la suite. »

Est-ce que le gouvernement fédéral est prêt à parer à l’éventualité du changement de climat et à l’ouverture du passage ? « Je ne suis pas au courant de cette situation, explique Judith Durocher, qui est en poste à Edmonton. On ne peut pas faire de spéculation à ce moment-ci, mais si la situation change, on va l’observer de plus près. »

C’est ce que croit également Rob Huebert. Mais il ne prend pas la chose à la légère. « Nous n’avons pas encore constaté une augmentation du nombre de navires marchands sur cette voie, mais déjà l’augmentation de la circulation maritime reliée à l’écotourisme provoque une surcharge de travail auprès des employés fédéraux. »

Les bureaux du Nord ne sont toutefois pas laissés à eux-mêmes. L’employé du Yukon reçoit l’aide du bureau de Prince Georges, en Colombie-Britannique, celui des T.N.-O. est chapeauté par le bureau d’Edmonton et les employés de Winnipeg s’occupent du territoire du Nunavut. Une étroite collaboration existe également entre la Gendarmerie Royale du Canada et les ministères reliés aux douanes et à l’immigration. « Mais les va-et-vient des employés de la GRC n’améliorent pas la situation. Les gens n’ont pas le temps d’être mis au fait de ce qui se passe. »