Aux Territoires du Nord-Ouest, l’ascenseur porte un nom : Richard Marion.
Albert Einstein n’avait probablement pas les mœurs légères car loin de s’imaginer en plein débat torride lorsqu’il voyait un ascenseur, il réfléchissait plutôt à sa théorie de la relativité. Tout ce qui monte redescend ? Le physicien a préféré modifier les lois de la mécanique newtonienne et poser l’équivalence masse-énergie. Richard Marion, lui, quand il voit un ascenseur, préfère vérifier la mécanique au-dessus et au-dessous et émettre un permis d’exploitation.
Ce n’est pas que les éléments de physique soient abscons pour le seul inspecteur en chef de l’électricité et des ascenseurs des T.N.-O. En fait, c’est l’essence de son travail. Électriques ou hydrauliques, les ascenseurs d’aujourd’hui utilisent la pression et les contrepoids pour atteindre les hauteurs. Formé en la matière, Richard Marion connaît autant les devants que les derrières de l’appareil, les forces motrices et les mécanismes d’arrêt. « Les ascenseurs hydrauliques montent par pression, avec une pompe qui pousse l’huile dans un cylindre, qui fait monter et descendre l’ascenseur », explique naturellement Richard Marion.
À chaque année, le franco-manitobain fait une tournée dans les communautés des T.N.-O. pour constater l’état des câbles et des cabines. Même si les ascenseurs et les plates-formes élévatrices pour personnes handicapées préfèrent la capitale, ils n’ont pas le mal du pays dans les communautés. On compte 75 ascenseurs aux T.N.-O., dont la moitié dans la capitale. Il y a 16 ascenseurs et plate-forme à Fort Smith, 15 à Hay River, 12 à Inuvik, 2 à Fort Macpherson, 2 à Fort Simpson, 1 à Fort Good Hope et 1 à Rae-Edzo. En comparaison, il y a 50 ascenseurs au Yukon, dont 90% sont dans la capitale, et 20 seulement au Nunavut. En Alberta, il y en a plus de 7500. Un nombre élevé? C’est que le Code national du bâtiment du Canada oblige les entrepreneurs à installer un ascenseur pour tout immeuble de plus de quatre étages.
Richard Marion connaît bien aussi les rouages des escaliers roulants et des tapis roulants, même s’il n’y en a pas ici. C’est qu’il en discute chaque année avec tous les inspecteurs en chef des provinces et territoires. La rencontre au sommet permet d’échanger sur les règlements que l’industrie adopte à tous les quatre à cinq ans pour améliorer la sécurité du public. « On discute aussi des accidents qui surviennent », mentionne celui qui occupe cette fonction depuis 17 ans.
Des accidents, Richard Marion est fier de dire qu’il n’y en a eu qu’un ici en 16 ans. Par contre, un accident d’ascenseur peut provoquer la mort, comme lors de l’écrasement d’un funiculaire opéré par la compagnie américaine Otis en 1996 dans la ville de Québec, qui a fait un mort et 15 blessés. C’est pourquoi une bonne part du temps de l’inspecteur en chef est de veiller à l’éducation du public. Entre des tournées dans les écoles, il s’arrête parfois, comme lors de la semaine nord-américaine de la santé et de la sécurité au travail, du 5 au 11 mai dernier, pour expliquer au public les règles élémentaires de sécurité dans un ascenseur. « Trois ou quatre accidents par année dans une province, c’est plutôt normal, indique le spécialiste qui ne s’occupe pas, par contre, des ascenseurs des mines. Généralement, les accidents avec un escalier roulant sont assez graves, alors que les accidents en ascenseur peuvent provoquer la mort. »
Claustrophobe, l’inspecteur en chef est catégorique : il ne faut pas sauter dans un ascenseur, car celui-ci s’arrête automatiquement et peut garder prisonniers ses passagers quelques minutes voire une heure, le temps qu’un technicien vienne remettre en fonction l’appareil. Richard Marion déconseille fortement aux passagers coincés de tenter de sortir de l’ascenseur, car ils pourraient tomber dans le vide si l’appareil n’est pas immobilisé à l’étage.
Des précautions qui semblent aller de soi, mais l’inspecteur en chef rappelle que ce n’est pas tous les habitants des T.N.-O. qui sont familiers avec l’appareil. « Certaines personnes ont peur, surtout les gens qui viennent d’un petit village où il n’y a pas d’ascenseur. »