le Mardi 6 mai 2025
le Vendredi 18 mars 2005 0:00 | mis à jour le 20 mars 2025 10:36 Société

La police montée en épingle

La police montée en épingle
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Trois fois ! L’hymne national canadien a retenti trois fois durant l’édition du 10 mars de The National, le gros show de nouvelles de la CBC.

C’est carrément en direct des funérailles des quatre agents de la GRC assassinés en Alberta qu’a été lu le bulletin de nouvelles dont plus de la moitié à été consacrée à « la tragédie qui a secoué la nation », comme la objectivement présentée Peter Mansbridge. Pendant une grosse demi-heure, les topos remplis d’uniformes rouges se sont succédés sur les ondes de la télévision publique anglophone. Le téléditorialiste de la société, Rex Murphy, en a même profité pour décréter que les agents de la GRC comptent « pour une partie importante de l’image que nous nous faisons de nous mêmes. »

Si la mort de ces quatre policiers est sans contredit un événement désolant, la véritable tragédie est la couverture démesurée qu’en ont fait les médias. Ces hommes exerçaient un métier dangereux et c’est pour cela qu’on leur accordait le privilège de se balader avec une arme à feu à la ceinture. Ils sont morts dans l’exercice de leurs fonctions comme cela arrive à un millier de travailleurs canadiens chaque année. Il s’agissait d’un fait divers, pas besoin d’en faire tout un plat.

Quand une société d’État qui a pour mandat de présenter aux citoyens qui la finance une information étayée et impartiale devient soudainement emphatique, assimile un événement banal à une crise et nous gave de cocardes, de drapeaux et de marches militaires, c’est inquiétant. Très inquiétant. Dans son ouvrage Le maniement des foules, le soviétique Sergei Tchakhotine établit ainsi les règles à suivre pour faire de la bonne propagande : 1) suggérer la peur et faire ensuite entrevoir la possibilité d’atteindre la sécurité, 2) avoir un nombre relativement restreint de formules tranchantes et concises afin qu’elles deviennent des symboles, 3) employer l’exagération, 4) utiliser des symboles psychologiques comme les hymnes et les logos et surtout 5) sans cesse exposer la population à la propagande. Faut-il en rajouter ?

Pendant que la CBC montait en épingle une simple histoire de perquisition qui a mal tourné, elle omettait de nous informer sur un tas de choses qui se sont produites ce 10 mars. Par exemple, que les États-Unis avaient décidé de se retirer du protocole de la Convention de Vienne sur la protection des détenus étrangers, que 47 civils irakiens avaient trouvé la mort dans un attentat à Mossoul et qu’à Calgary, une manifestation avait été organisée devant les bureaux régionaux de la CBC pour protester contre le licenciement de l’animateur de Wild Rose Forum, Don Hill, qui avait profité de son émission de radio pour exposer les liens qui unissent le gouvernement albertain à la pétrolière américaine Exxon…

Mes derniers commentaires vont aux familles des victimes : acceptez, je vous prie, mes sincères condoléances et pardonnez les caméras nécrophages qui épient votre douleur et font de votre deuil un reality show.