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le Vendredi 10 mars 2006 0:00 | mis à jour le 20 mars 2025 10:36 Société

Rencontres exotiques au royaume du diamant

Rencontres exotiques au royaume du diamant
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J’ai rencontré Ahmad, Anwar, Dominique, Ginaud, Jewala, Kevin, Raj et Ricaud le 6 septembre 2005, lors de ma première journée de travail à l’usine de polissage de diamants Laurelton Diamonds. Lors de mon embauche, on m’avait informée du caractère multiculturel de l’usine. En effet, mes collègues de travail proviennent de 14 pays différents. L’idée de travailler avec des gens de différentes cultures m’a tout de suite enchantée, mais j’ai été encore plus ravie d’apprendre que huit d’entre eux viennent de l’île Maurice et que, tout comme moi, ils s’expriment dans la langue de Molière.

À la pause de dix heures, les Mauriciens se rassemblent à la cafétéria de l’usine. Ils s’assoient presque toujours à la même table, au fond de la pièce. De cet endroit, ils peuvent voir atterrir et décoller les avions de l’aéroport de Yellowknife.

À la « table des Mauriciens », on se raconte des blagues, on se taquine, on rit fort et de bon cœur. Tous les jours ils apportent la même collation : deux tranches de pain et une banane, « c’est ça que nous mangions comme collation à Maurice, sauf que là-bas, la collation était fournie par l’employeur », me raconte Dominique. Il paraîtrait que la banane possède des propriétés dépuratives, elle aiderait le système à se débarrasser de la poudre de diamants inhalée par les polisseurs. Ils sont drôles les Mauriciens, tous ensemble, en train de manger leurs bananes. Je les appelle affectueusement le Banana club!

Mark Twain, célèbre écrivain américain, auteur des Aventures de Hukleberry Finn, a un jour écrit que Dieu s’était probablement inspiré de l’île Maurice pour créer le paradis. L’île est située au sud-ouest de l’océan Indien à environs 2000 kilomètres de la côte est africaine et à 900 kilomètres de Madagascar. Ses plages dorées et ses lagons bleus en font une destination touristique de plus en plus populaire.

Lorsque l’on demande à Dominique de décrire son île, il répond sans hésitation: « C’est un petit paradis ensoleillé, un havre de paix. » En effet, l’île Maurice n’est pas seulement un endroit magnifique, c’est aussi une île ou Indiens, Chinois, Européens et Africains vivent en parfaite harmonie. Là-bas, les différences de religion et de culture n’empêchent en rien le bon voisinage. Un exemple à suivre pour bien d’autres pays…

L’industrie du diamant sur l’île Maurice a débuté il y a environs 25 ans. L’île compte maintenant quatre usines de polissage de diamants qui embauchent environs 500 employés. Puisque cette industrie est toute récente au Canada, on a recruté des travailleurs expérimentés de l’île Maurice pour venir préparer et polir les diamants canadiens dans les nouvelles installations de Yellowknife.

L’apprentissage du polissage de diamants est un art qui requiert un entraînement qui peut durer jusqu’à un an. Les Mauriciens qui travaillent chez Laurelton Diamonds, grâce à leur expérience, font d’excellents mentors pour les nouvelles recrues. Ils jouent donc un rôle crucial dans le bon fonctionnement de l’usine en opération depuis deux ans.

Même si la plupart des Mauriciens étaient très enthousiastes à l’idée de venir travailler au Canada, la décision de quitter leur île paradisiaque n’a pas été la plus facile. Quitter famille et amis était un choix déchirant, mais lors des moments plus difficiles, les huit aventuriers essayaient de se concentrer sur les aspects plus positifs de leur aventure.

Au Canada les Mauriciens ont la possibilité de faire des économies, alors que chez eux, ils devaient dépenser presque toute leur paye pour leurs besoins essentiels. Certains Mauriciens apprécient également la facilité avec laquelle les jeunes Canadiens ont accès aux études supérieures. Pour Ahmad, la possibilité d’un meilleur avenir pour ses deux filles Nawsheen et Nushreen fut un facteur déterminant dans sa décision de déménager au Canada. « Sur l’île Maurice, l’université coûte très cher. Malheureusement, seul les enfants qui ont des parents très riches peuvent y aller ».

Les Mauriciens sont arrivés à Yellowknife en juin 2003. En avion, au-dessus de l’île Maurice, l’immensité de l’océan donne le vertige, mais en survolant le Nord canadien, c’est la vue des plaines à l’infini qui les a le plus impressionnés.

Étant arrivés en été, leur acclimatation n’a pas été si difficile, me raconte Ahmad, mais pour sa femme Nazbi, arrivée en décembre avec leurs deux filles, ce fut un gros choc. « Je savais qu’il allait faire froid alors j’avais apporté des vêtements chauds, mais malheureusement, ils n’étaient pas assez chauds! Il a fallu aller en acheter d’autres!», se souvient-elle. Il est facile d’imaginer la difficulté de planifier une garde-robe canadienne lorsque la seule neige qu’on a vue dans sa vie était à la télévision! Il faisait environs 35° Celsius lorsque Nazbi a quitté l’île Maurice et il faisait –35 ° C, à son arrivée au nord du 62e parallèle. Le choc qu’elle a vécu était extrême!

Sur l’île Maurice, il y a deux saisons. L’hiver Mauricien oscille entre 11 et 22 degrés Celcius, rien à voir avec nos hivers canadiens! L’île Maurice étant située dans l’hémisphère sud, les saisons se trouvent inversées par rapport à nous : l’été débute en octobre et se termine vers avril et l’hiver débute en mai et se termine en septembre. Ainsi, quand c’est l’hiver au Canada, c’est l’été sur l’île Maurice.

L’adaptation au climat n’a pas été le seul défi auquel les Mauriciens ont été confrontés. Les hommes ont pu commencer à travailler immédiatement après leur arrivée, mais pour leurs épouses, les choses étaient un peu différentes. Certaines ont dû attendre jusqu’à trois mois pour obtenir un permis de travail. Pour ces femmes actives, demeurer à la maison durant les noires et froides journées d’hiver n’a pas été une expérience des plus plaisantes. C’est en s’entraidant et en s’encourageant mutuellement qu’elles ont tenu le coup.

Le français et l’anglais sont les langues officielles de l’île Maurice. Même si 73 % de la population Mauricienne parle créole, ce n’est pas une langue écrite et elle ne fait pas partie des langues officielles du pays. Le créole est la langue maternelle de la plupart de mes collègues mauriciens, mais ceux-ci s’expriment également dans un français impeccable. Puisque l’anglais est leur troisième langue apprise, ils ne la maîtrisent pas avec autant d’habileté que le créole et le français. Vivre en anglais a donc été un défi de taille, autant pour les petits Mauriciens que pour leurs parents. Certains ont suivi des cours d’anglais gratuits offerts par le gouvernement, d’autres ont appris par eux-mêmes ou avec des amis.

Aujourd’hui, ils se débrouillent tous bien dans la langue de Shakespeare.

Les enfants se sont tous bien acclimatés à la vie scolaire et sociale anglophone. Certains fréquentent également des programmes d’immersion francophone, histoire de ne pas perdre leur maîtrise du français.

Aucun de mes collègues dit regretter avoir déménagé au Canada. Ils se disent maintenant bien adaptés. Quand on leur demande s’ils désirent obtenir la citoyenneté canadienne, c’est à l’unisson qu’ils répondent: « Mais bien sûr! »