Dans la congrégation des Soeurs grises depuis 1944, Soeur Agnès a appris le français avec la foi.
« Avant d’entrer chez les soeurs, j’avais appris le français au secondaire. Mais on apprenait seulement à le lire et à l’écrire, on ne nous le faisait pas pratiquer. Dans notre ordre, nous évoluions en français de 8 h du matin à 9 h 30 du soir. Au fil des années, j’ai eu peur de perdre mon français. Car au début nous étions 130 soeurs, pour finir seulement à deux. Ici, je communique un peu en français avec la communauté, je participe parfois à leurs réunions. Comme je ne veux pas oublier cette langue, ça m’aide de la lire. Lorsqu’on m’a proposé de recevoir le journal, j’ai accepté, et c’est bien. »
À Fort Smith, où elle est établie depuis 40 ans, Soeur Agnès Sutherland s’est toujours portée attentive aux personnes dans le besoin. En 1971, elle a mis sur pied la maison refuge pour femmes victimes de mauvais traitements. « Je me souviens des locaux avant que j’en prenne possession. Les châssis étaient placardés avec des planches de bois, mais aussitôt que les gens ont remarqué que les fenêtres étaient libres, ils sont venus demander de l’aide. Je me souviens encore que la première femme qui est venue me voir a débarqué à quatre heures du matin. »
Après quelques années, le foyer devait être déménagé à Yellowknife, mais en 1975 l’implication de Sœur Agnès a influencé le maintien de l’institution à Fort Smith et, depuis cette année, le refuge s’appelle la Maison Sutherland.
« Je me suis impliquée à plusieurs niveaux dans la paroisse. Il y a 20 ans, j’ai participé à l’ouverture du centre pour les personnes handicapées, plus tard je suis devenu la présidente. L’aide aux personnes âgées était aussi une chose importante pour moi. J’ai passé beaucoup de temps dans les communautés à expliquer qu’il était essentiel d’apporter un soutien aux aînés. » Bénévole pour toute sorte de causes, la religieuse prend la parole lorsqu’elle ne peut pas aider directement. « Il y a bien des choses que je ne peux pas faire, mais je ne me limite pas à ça, si je peux écouter, ou parler pour aider les personnes je vais le faire. Dans le temps, Mgr Piché, l’évêque de la région, a souvent été d’un grand soutien. Jamais il n’a refusé de donner de l’aide aux personnes qui en avaient besoin. Lorsque je proposais des choses pour les aider, il approuvait. »
Sœur Agnès sait qu’un jour, elle va partir pour Edmonton retrouver ses parents enterrés en Alberta. Âgée de 81 ans, elle n’attend pas la reconnaissance : « l’an passé, les gens de la ville m’ont fêté mes 80 ans, j’étais touchée. Mais je suis heureuse simplement de savoir qu’une personne que j’ai aidée va bien. Il y a quelques années, trois Polonais sont arrivés à Fort Smith, ils avaient besoin d’un toit. Je leur ai fourni une place pendant deux ans. Ils épargnaient de l’argent pour que leurs familles viennent au Canada. Plus tard, j’ai reçu des nouvelles d’une des familles. Un de leurs enfants était devenu docteur en Colombie-britannique. J’étais vraiment contente de savoir qu’ils avaient bien réussi. » L’histoire veut aussi que lorsque cette famille s’est établie au Canada, elle habitait sur une rue nommée Sutherland.