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le Vendredi 21 novembre 2008 0:00 Société

Tatouage et perçage: À la pointe de l’art

Tatouage et perçage: À la pointe de l’art
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L’expression corporelle est multiple : tatouage, perçage, scarification par brûlure ou découpe de la peau répondent à des demandes émises par une clientèle de plus en plus aisée. Exit l’image vieillotte du gars de bicycle et de la danseuse nue couverts de dessins ou de boucles d’acier pour montrer qu’ils font partie d’une gang. La boutique de tatouage et perçage, installée à Montréal, est d’un luxe feutré, avec un bar et une terrasse propices à la détente et aux confidences les plus intimes. Spécialisés depuis 11 ans dans les projets haut de gamme, avec du matériel stérilisé et un suivi prolongé de chaque client, Patrick Morency et Yannick Bleau apportent leur savoir-faire à Hay River, au magasin Forward de Jackie Kruger.

Ici les demandes de perçage évoluent dans la gamme traditionnelle des bijoux de visage ou de corps. « Je reçois des demandes pour percer des narines, des nombrils, des sourcils, des oreilles et la majorité de la clientèle a entre 16 et 30 ans », explique M. Bleau, qui vient pour la quatrième fois. Ce dernier se réserve le droit de refuser un perçage sur une personne trop jeune, « pour une raison de croissance » et il est parfois amené à rattraper des perçages mal faits. « Je vois souvent des bijoux de mauvaise qualité ou faits par des personnes non compétentes, dit-il. Avec internet, les gens s’informent eux-mêmes sur des projets, parfois ils le font chez eux. » Il apparaît que le perçage n’est pas une opération anodine. « Je transmets l’information sur les conséquences d’un perçage, explique-t-il. Par exemple, avec un perçage de surface, la guérison est plus longue. Il faut compter un à deux ans pour qu’elle soit complète. » Certains projets exigent ainsi plusieurs mois de manière à intégrer les phases d’exécution et de cicatrisation les unes après les autres.

« Je me considère comme un technicien, reconnaît M. Bleau. J’aime l’aspect technique, la précision et les connaissances que je dois mettre en œuvre dans chaque projet. » Le carnet de commandes du tatoueur est plein durant les trois semaines de son séjour, à raison de 10 heures de présence quotidienne. « Je vois une évolution dans les choix des dessins, ils sont plus intéressants et je fais davantage de travail sur mesure », reconnaît Patrick Morency. « Cette année j’ai fait beaucoup de fleurs, des dessins stylisés avec plus de réalisme. J’ai fait aussi beaucoup de noms d’enfants, avec le lettrage très classique qu’est le Old English, ça reste toujours beau. » Tout tatouage exige un examen minutieux des parties du corps susceptibles de le recevoir. « Lorsqu’il s’agit d’un portrait, il faut choisir une peau bien lisse et bien tendue, explique M. Morency. Certaines régions vieillissent plus que d’autres et il faut penser à ça aussi. » Il s’attendait aussi à recevoir plus de demandes de dessins traditionnels de la part de la clientèle autochtone, mais ce ne fut pas le cas. « J’ai tatoué une tête de loup, c’est la première que je fais en deux ans, les dessins traditionnels ne sont pas en demande ici. »

Autodidactes dans ces arts où le geste doit être d’une sûreté implacable, ces Montréalais rejoignent chaque année des rencontres professionnelles qui leur donnent accès à des séminaires de formation. Eux-mêmes forment de jeunes artistes, notamment des femmes qui souhaitent pratiquer le tatouage.