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le Vendredi 5 Décembre 2008 0:00 Société

Témoigner contre la violence: Le courage d’être soi

Témoigner contre la violence: Le courage d’être soi
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Fondatrice de sa propre entreprise en artisanat traditionnel à la réserve de Hay River, Mme Fabian a également une autre vie. Elle est bénévole auprès de la prison locale pour témoigner de la violence faite aux femmes et des conséquences qu’elle engendre dans la vie d’une famille. Elle s’assoit avec des hommes et elle leur parle, s’il le faut durant toute une journée. « Je leur parle des relations interpersonnelles, je leur parle des effets de la violence dans les relations et souvent je parle de mon expérience », dit-elle sur un ton très posé.

Née à Fort Providence, Mme Fabian n’a pas réellement connu ses frères et sœurs qui étaient placés en pensionnat. « Je pensais que j’étais une enfant unique », avoue-t-elle, poursuivant ses souvenirs d’une époque qui fut vite marquée par la violence familiale. « Je revois mon père qui, après avoir bu, menaçait de tuer ma mère. Dès l’âge de trois ans, je crois que j’ai dû trouver des moyens pour protéger ma mère. Et, année après année, mon enfance est passée sans que je puisse vivre comme une enfant. Au contraire, je devais prendre soin de ma mère, de mon père et d’une petite sœur qui est arrivée. » Lorsque Mme Fabian quitte sa famille, c’est pour se marier, avoir des enfants et reproduire le même schéma de violence dans lequel elle avait grandi. L’alcool et la drogue ne l’ont toutefois pas empêchée de prendre conscience, un jour, que ce n’était pas cette vie-là qu’elle voulait avoir. Son mari et ses enfants ont accepté de la suivre dans une cure de désintoxication à Edmonton. C’est au cours du traitement que des questions essentielles l’ont assaillie : qu’est-ce que je veux faire de ma vie? Qu’est-ce que je pourrais dire de ma vie avant de mourir? Mme Fabian se souvient des réponses qui ont jailli du fond de son cœur. « Je voulais être en santé, je voulais être heureuse, je ne voulais plus de violence, mais plutôt de l’amour et être capable de dire à ma mort que j’avais bien profité de ma vie. Depuis que j’ai réfléchi sur mes désirs, ma vie a complètement changé! »

En rentrant chez elle, Mme Fabian se demandait comment elle avait pu accepter d’endurer autant de souffrance lorsqu’au cours d’une rencontre elle entend des propos qui provoquent un autre déclic. « J’ai entendu dire que l’on peut être aimé pour ce que l’on est, que l’on peut être important pour d’autres personnes, que l’on peut même être beau », se souvient-elle d’un ton ému. À partir de là, elle décide de développer des relations basées sur le respect et l’amour au sein de sa famille puis autour d’elle. Et l’évidence de la puissance de l’amour fut si forte qu’elle a aussi décidé de témoigner auprès des hommes que la violence n’est pas insurmontable, que la détresse et la toxicomanie ne sont pas un concours fâcheux de circonstances. « Quand je parle aux hommes en prison, nombreux sont ceux qui pleurent, dit-elle. Beaucoup ont frappé leur femme ou leurs enfants et beaucoup le regrettent. Je tâche de leur faire sentir les conséquences de leurs actes, les effets de la violence sur les enfants, les possibilités de rémission et de changement. »