La cloche de la petite église de la réserve Katlodechee sonne chaque dernier dimanche du mois. Le prêtre qui fait la messe habite les Territoires du Nord-Ouest depuis 15 ans.
Il arrive à toute vitesse sur la piste de terre au bout de la réserve et gare son véhicule dans un nuage de poussière. Puis il bondit de la voiture en brandissant une clef, il marche à grand pas vers l’église et attrape fébrilement le cadenas. Enfin ce dernier cède aux tours de clef et le père Donald Flumerfelt ouvre victorieusement l’entrée de la petite église Ste Anne.
Deux familles dénées s’infiltrent derrière lui, en parlant. Mes enfants et moi pénétrons dans ce lieu que j’ai observé durant tant de mois depuis l’autre berge de la rivière aux Foins. Le bleu du plafond vibre dans la clarté. Une statue de Vierge et d’enfant Jésus trône derrière l’autel, couronné d’un cœur et d’un panneau de bois sur lequel est gravé le mot français « Venez », rappelant les origines d’une construction commandée par des missionnaires francophones en 1939.
Le prêtre fait sonner la cloche. Le carillon résonne légèrement au-dessus des maisons, d’autres fidèles arrivent, mais l’assemblée totale ne dépasse pas huit personnes.
Le père Don, ainsi qu’il est appelé par les paroissiens, commence sans plus tarder un office qu’il célèbre d’une voix claire, chantant les cantiques en tapant du pied pour marquer le rythme. Car il n’y a pas d’autre musique que celle que l’âme exprime dans les chants religieux pratiqués par l’assistance réunie durant cette messe. Parmi elle, il demande à trois personnes si elles acceptent de recevoir une bénédiction.
À la fin, je vais discuter avec le père Don, que j’avais déjà remarqué dans un couloir de l’hôpital lors de ses visites aux malades ou encore en train de prendre des photos de la débâcle mais aussi en fervent auditeur lors du festival de luth en mai dernier.
Il est arrivé à Hay River en novembre 2008, après avoir passé deux ans dans le Sahtu et ayant œuvré à Yellowknife entre 1999 et 2006. Il parle très bien le français, car il a grandi en partie au Québec. Il est chargé d’assurer une présence religieuse dans la région du sud du Grand lac des Esclaves, en collaboration avec le père Black, en ville depuis longtemps.
« Je suis très heureux d’être ici et d’apprendre avec lui, déclare-t-il. Quand je suis arrivé, l’évêque m’a transmis un mot chipewyan, qui signifie prendre patience. Je me suis rendu compte qu’il n’était pas bon de vouloir lancer plein de choses nouvelles en arrivant, alors j’ai commencé à écouter et à regarder, comme le faisaient les Aînés. » Ce qui ne l’empêche pas de parler lors des rencontres œcuméniques qu’il juge très dynamiques pour une petite ville comme Hay River.
Comme beaucoup d’habitants nordiques, le père Don a une histoire personnelle étonnante. Car, s’il est prêtre pour l’église catholique, il est marié et père de trois enfants.
« Pendant 29 ans, j’ai été un prêtre de l’église anglicane, et je suis venu à Yellowknife avec ce statut, témoigne-t-il. En 2004, je suis devenu catholique. Les pasteurs des autres confessions chrétiennes qui viennent à l’église catholique reçoivent la permission papale de rester mariés. »
Le père Don souligne que son évêque reconnaît le caractère d’isolement propre à un sacerdoce dans le Nord. « Quand deux êtres sont ensemble, Jésus est ici, dit-il en souriant. Pour moi, le mariage forme déjà une petite communauté. »
Monseigneur Croteau, à l’époque évêque du diocèse Mackenzie, était parti pour Rome afin de présenter au pape Jean-Paul II la demande de conversion du père Don. Celui qui a présenté ce document à la signature officielle n’est autre que le pape actuel Benoît XVI.