Se souvenir de ceux qui sont morts, sans partisanerie
Quand on a perdu des proches dans des combats, le coquelicot n’est pas une fleur comme les autres. C’est le cas pour le capitaine Jocelyn Demetre.
Le vendredi 25 octobre dernier, aux quartiers généraux de la Force opérationnelle interarmées Nord, à Yellowknife, Lloyd Lush, l’ancien président de la section locale de la Légion, remettait le coquelicot au commandant adjoint Derek Moss. Des cérémonies analogues avaient lieu dans le tout le Canada, comme chaque dernier vendredi d’octobre depuis des lustres. On marque ainsi le début de la campagne du coquelicot, qui se poursuit jusqu’au Jour du Souvenir, le 11 novembre, célébration de l’Armistice signé à la fin de la 1ere Guerre mondiale.
« Nous ne tenons pas de statistiques sur qui vient d’où, indique le capitaine Powers, chargé des relations avec les médias à la Force opérationnelle interarmées Nord (FOIN), mais au moins deux personnes liées aux Territoires du Nord-Ouest sont mortes en Afghanistan : le caporal Jordan Anderson (né à Inuvik) et le lieutenant Andrew Nuttall, qui a étudié plusieurs années ici. » Les deux appartenaient à la Princess Patricia Canadian Light Infantry.
Jocelyn Demetre en est revenu vivant, lui, après deux séjours totalisant 16 mois, mais il a perdu là-bas plusieurs compagnons d’armes dans des opérations de combat dans la province de Kandahar. « Quand tu reviens de là, il y a toujours une période d’adaptation, rappelle le capitaine du Royal 22e Régiment. Ma femme et mes enfants m’ont aidé à me remettre. »
Cartes pour Kaboul
Selon Jocelyn Demettre, les gens identifient la plupart du temps les vétérans à ceux qui ont fait la Seconde Guerre mondiale, en oubliant ceux et celles qui ont été en Afghanistan. « On montre des grands-pères dans la rue en disant "Regarde, Papy a fait la 2e Guerre", mais il y en a d’autres, plus jeunes, qu’on pourrait montrer en exemple aussi. » Jocelyn Demetre rappelle que 158 soldats canadiens – ce chiffre comprend un diplomate – ont perdu la vie en Afghanistan et qu’il y a eu là-bas énormément de blessés.
Le capitaine aura l’occasion de corriger cette perception. Le 7 novembre prochain, il ira
à l’école Sissons parler de la guerre. En usant évidemment de son bon sens, pour ne traumatiser personne. Et sans faire non plus de prosélytisme. « Ce n’est pas mon rôle de dire si on avait raison ou non d’être là, souligne-t-il. Mais, il ne faut pas oublier les gens qui se sont battus, qui ont échangé des coups de feu. » Jocelyn Demetre était déjà venu parler aux élèves de Sissons l’an dernier. « Ils étaient suspendus à ses lèvres, se rappelle le directeur de l’établissement, Paul Bennet, et les adultes l’étaient tout autant. C’était incroyable. »
Il reste encore un contingent canadien en Afghanistan, à Kaboul plus précisément, dont fait d’ailleurs partie la sœur du capitaine. « C’est une unité de Montréal, précise Jocelyn Demetre, une unité logistique qui organise la fin de la présence canadienne dans le pays. Mais ce n’est pas un Club Med, ils ont été attaqués il y a deux semaines. Ce sont des gens qu’on a un peu oubliés. Les médias n’en parlent pas. »
Un oubli un peu réparé puisque Cynthia Clark, la femme du capitaine Demetre, aide-enseignante à Sissons a orchestré une campagne d’envoi de lettres à ce dernier contingent. « Beaucoup d’enfants ici ont des parents militaires, note-t-elle. Les enfants de la maternelle à la 5e année ont écrit différentes lettres, avec des dessins, remerciant par exemple les soldats de leur sacrifice pour maintenir la paix. » « Ils posaient de bonnes questions et avaient des remarques touchantes, se rappelle Jocelyn Demetre, qui a coordonné l’envoi des lettres au contingent, qui devrait être rapatrié en 2014. »