Une superbe synthèse des ateliers et conférences de Dene Nahjo
Un partage énergisant et un message d’espoir, des rires, de la tristesse et du ravissement : le gala Ts’ekwi Huya a été une soirée intense, riche en émotions et tout à fait réussie.
Le gala du 13 novembre, à l’hôtel Explorer, se tenait dans le cadre de Dene Nahjo, le Rassemblement des femmes autochtones circumpolaires. En tout honneur, hormis les Dene Drummers et le trio Digawolf, toutes les prestations étaient faites par des femmes. Inuites, dénées, métisses, tlingit, elles dansaient, chantaient, jouaient de la guitare ou du tambour, racontaient.
Les Dene Drummers ont bien lancé le bal; durant leur seconde pièce, les femmes dans l’assistance se sont spontanément levées et se sont mises à danser. La Métisse franco-ontarienne Grey Gritt leur a succédé en s’accompagnant de sa guitare électrique. Elle a entre autres chanté une de ses compositions en français, J’m’en fous. Clin d’œil à notre été de feux et de fumées et à un concours de CBC, elle a également interprété Local Smoke, « son ode à toutes les femmes puissantes dans la salle ». Elle devait plus tard accompagner Tiffany Ayalik lorsque d’un conte où dansait aussi cette dernière, un des nombreux moments forts de cette soirée.
Originaire du Nunavut, chanteuse et joueuse de tambour, Angela Hovak-Johnston vient tout juste de recommencer à performer, après un long processus de guérison dont le récit n’a pas manqué d’émouvoir l’assistance. Elle a décidé de s’ouvrir sur son parcours afin d’aider celles qui, comme elle, ont eu d’intenses épreuves. « Je viens de loin », a affirmé Angela.
Elle a également fait un duo, cette fois de chants de gorge, avec Tiffany Ayalik.
Du Yukon
Vêtues de masques et de costumes bigarrés qui devaient être étouffants sous la chaleur de la scène, Marilyn Jensen et Kluane Adamek, du Yukon, représentaient la troupe Dakhka Khwaan, qui compte habituellement 25 danseurs. D’origines tlingit et tutchone, elles ont entre autres interprété, s’accompagnant au tambour, une chanson qui, disaient-elles, datait de 10 000 ans, une autre sur les baleines et une dernière sur la revitalisation culturelle.
Tanya Roach une jeune auteure de Rankin Inlet, a lu ses textes, qui traitent de peur et d’acculturation. Elle a parlé de sa mère, qui a été expulsée de son école parce qu’elle résistait à l’interdiction de parler sa langue, de vivre sa culture.
Le trio Digawolf, (TJ Buggins, basse, et Dave Dowe, batterie) a cassé la baraque. Un bel enthousiasme sur scène et des mélodies accrocheuses. Je n’avais jamais entendu Diga que s’accompagnant à la guitare acoustique. Or, son jeu de guitare électrique est très inspiré, ses riffs alternent avec des séquences planantes faites de notes étirées; ça tient parfois du blues, mais avec une approche harmonique différente des standards. Digawolf a demandé aux gens de hurler comme des loups lors de pièce Land of the midnight sun.
Synthèse
La soirée était animée par Juanita Taylor qui, entre chaque prestation d’artiste, esquissait le portrait d’une femme remarquable. Elle a parlé de sa grand-mère, par exemple, dont le courage l’a inspirée lors de ses propres épreuves. À sa naissance, elle lui a prédit qu’elle serait quelqu’un qui parlerait avec son cœur. « C’est parfois une malédiction », a constaté Juanita Taylor, ce qui a fait rire l’assistance.
L’animatrice de CBC a également évoqué la championne olympique de ski de fond et ambassadrice de la culture gwich’in Shirley Firth-Larsson, décédée en avril dernier, et la militante alaskienne des droits autochtones, Katie John, qui a élevé 20 enfants.
La soirée s’est terminée avec une chanson interprétée par l’ensemble des musiciens. Auparavant, la voix puissante de Leela Gilday avait fait vibrer la salle. Elle s’était excusée de finir la soirée avec une chanson triste, dédiée à une amie disparue l’an passé.
La salle, majoritairement peuplée de femmes, était conquise d’avance, et on aurait dit que l’assurance de cette adhésion donnait un surcroît d’intensité aux musiciennes.
Des voix de tout âge, de tout lieu et de tout style, Ts’ekwi Huya était un événement polyphonique, qui a dit la tristesse, mais aussi l’espoir… et a montré bien du talent. Ce fut un condensé, une superbe synthèse des ateliers et conférences de Dene Nahjo, le Rassemblement des femmes autochtones circumpolaires.