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le Jeudi 11 octobre 2018 12:36 Société

Si les immigrants s’en mêlaient Comment composez-vous avec le Décalage nordique?

Si les immigrants s’en mêlaient Comment composez-vous avec le Décalage nordique?
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Une de mes amies disait souvent que mis à part les Autochtones, les gens qui viennent s’installer à Yellowknife se retrouvent dans 3 catégories : Il y en a qui ont pété une coche, il y en a qui fuient quelque chose et enfin ceux qui ont pété une coche ET fuient quelque chose.

À l’époque de cette discussion, je ne me suis pas appesantie sur le sujet et je ne me suis pas posée la question à savoir dans quelle catégorie je me situais, trop occupée à remplir mes obligations familiales et professionnelles.
Ce n’est que récemment que je me suis mise à y repenser, surtout quand, après un séjour de 2 ans dans le « Sud », je suis revenue à Yellowknife.

Cette fois-ci, contrairement à notre premier déménagement vers Yellowknife en 2004, je savais ce qui m’attendait. De longs hivers, des étés agréablement tempérés (quoique…), une vie tranquille où tout ce dont on a besoin se trouve à dix minutes de distance.

Après deux années d’absence, il y a un constat : ce décalage entre la vie que l’on mène dans le Nord et ce qui se passe au Sud me convient parfaitement. Quand on me pose LA question que tout le monde se fait poser : comment (mais en fait pourquoi) avez-vous atterri à Yellowknife, je suis plus à même de dire que j’ai choisi le Nord même si la premièr fois, c’est la vie qui m’a fait dériver à Yellowknife.

Il m’arrive de recenser tous les décalages que ma famille et moi avons eus à vivre avant d’immigrer, et nos expériences depuis notre arrivée au Canada jusqu’à aujourd’hui.

Nous avons atterri au Canada par une belle nuit d’automne. Comme tout voyageur ayant traversé trois continents, nous avons souffert du décalage horaire, mais celui-ci n’est qu’un détail au vu de tous les autres décalages que nous allions vivre au cours de notre séjour au Canada.

Je taquinais souvent mon époux qu’il était toujours en décalage, car les premiers mois au Canada ont été particulièrement difficiles pour lui.

Je mentionne ce décalage marquant de l’homme immigrant, car c’est un fait assez répandu. Avec la vague d’immigrants venus de l’Afrique Centrale dans les années 1990, nous nous sommes vite rendu compte qu’il y avait une disparité entre l’adaptation des hommes et des femmes.
Les femmes immigrantes se débrouillaient mieux et plus rapidement que leurs conjoints, encore sous le choc d’un changement de vie drastique. Il a fallu passer par le dédale des procédures de reconnaissance des diplômes qui n’aboutissaient parfois à rien.

La plupart d’entre nous ont dû retourner sur les bancs d’école à un âge parfois avancé. Un autre décalage, car nous n’étions pas accoutumés à suivre des cours avec des étudiants beaucoup plus jeunes que nous et dans une culture universitaire totalement différente (je ne mentionnerai même pas le choc causé par l’omniprésence des nouvelles technologies !).

Une fois les diplômes et certificats canadiens en poche, on pensait que les décalages s’arrêteraient enfin.
Et que non, la vie professionnelle des immigrants peut se trouver compliquée par un large spectre de déconnections que j’aime qualifier de décalages.

On a tendance à mettre toutes ces problématiques dans un sac fourretout; parfois on va parler de discrimination quand il ne s’agit tout simplement que d’un décalage de perceptions.
Dans le Nord, on s’est retrouvé dans un milieu où les décalages sont plutôt un mode de vie. Nous venons tous de loin, nous sommes tous en quelque sorte des immigrants. À mon amie qui s’amusait à catégoriser les habitants de Yellowknife, je lui ai demandé ce qu’elle avait fui, ou si elle avait pété une coche ou les deux.
Elle m’a répondu qu’elle était ici pour payer plus vite l’hypothèque de la maison qu’elle possédait dans le Sud-Est du pays. Et effectivement, elle n’est pas restée dans le Nord une fois son but atteint.
Et vous, aimez-vous vraiment le Décalage nordique ou faites-vous partie d’une des trois catégories définies par mon amie ?
Je préfère la description du documentaire Cold Concrete, qui faisait partie de la programmation du Festival du Film de Yellowknife de 2018.

Dans son introduction, le narrateur dit que les gens arrivent dans le Nord plus ou moins « jet-laggés » et qu’ils viennent dans le Nord pour se ressourcer et se purifier.

Après la diffusion du court-métrage Three Drops également à l’affiche au Festival du Film de YK 2018, France Benoît témoigne que le Nord lui a appris la résilience et lui a permis de porter le deuil de son époux. Le Nord apaise. Le Décalage nordique est en effet apaisant et réconfortant.