Le 22 aout, la direction de la santé publique des Territoires du Nord-Ouest a déclaré une « éclosion » de syphilis dans le territoire. Le nombre de cas répertoriés de l’infection transmissible sexuellement a explosé depuis le début de l’année, particulièrement dans la capitale.
Selon les données rendues publiques la semaine dernière, quelque 28 cas de syphilis ont été dénombrés depuis le 1er janvier, dont un nouveau-né qui aurait été infecté durant la grossesse. C’est plus que le double du nombre de cas déclarés en 2018 (11).
« C’est une augmentation dramatique, a indiqué l’hygiéniste en chef des TNO, la Dre Kami Kandola, lors d’un point de presse. Une approche proactive est nécessaire. »
Plus des deux tiers des cas ont été répertoriés à Yellowknife. Certains cas ont été dénombrés dans la région Tlicho, dans le Slave Sud et dans le Dehcho. Aucun cas n’a été dépisté cette année dans la région du Beaufort-Delta ni dans le Sahtu. Étant donné un taux de dépistage des ITS parfois bas, une absence de cas répertorié ne signifie pas nécessairement que personne n’est infecté.
« La grande majorité des cas connus implique des individus hétérosexuels âgés entre 20 et 30 ans », précise Dre Kandola qui note que les femmes sont aussi à risque que les hommes de contracter l’infection.
La moitié des infectés ont signalé avoir eu plus d’un partenaire sexuel dans les six mois qui ont précédé le diagnostic.
« Tous les Ténois qui sont actifs sexuellement, et particulièrement ceux qui ont plusieurs partenaires ou qui ont un nouveau partenaire et qui ne se protègent pas adéquatement, sont à risque », affirme Dre Kandola.
Aux fins de l’avis public émis par le gouvernement, « une éclosion » (outbreak en anglais) est essentiellement un synonyme d’épidémie. Il n’y a pas de critère précis sur ce qui distingue une éclosion d’une simple abondance de cas.
« C’est une évaluation subjective de la situation, explique Dre Kandola. Il y a eu une augmentation drastique des cas et c’est pour ça que nous prenons ces mesures. Dans le cas de la syphilis, il n’y a pas de critère plancher, contrairement, par exemple, à la rougeole où, lorsque deux cas ont été signalés [en mars dernier], nous étions obligés de déclarer une éclosion. Dans ce cas-ci, il s’agit de ma propre décision compte tenu des données que nous avons. »
La situation aux TNO n’est pas exceptionnelle. L’augmentation du nombre de cas de syphilis est notée un peu partout au pays et d’autres provinces et territoires ont émis des avis similaires, dont l’Alberta qui a déclaré une éclosion de syphilis sur son territoire en juillet dernier.
Symptômes et traitement
La syphilis est une maladie infectieuse qui se décline en trois phases de symptômes. Au cours des 100 premiers jours d’infection environ, une simple lésion ou un ulcère apparait. À ce stade, l’individu infecté est contagieux. Cette première lésion disparait souvent d’elle-même.
Au second stade de l’infection (plus ou moins 3 mois après l’apparition de l’ulcère), la maladie se répand dans l’organisme et peut provoquer des éruptions cutanées sous la forme de boutons ou de plaques rouges. Des symptômes s’apparentant à ceux de la grippe sont aussi parfois observés. À ce stade, l’individu infecté est toujours contagieux.
Il arrive que les symptômes cessent d’eux-mêmes après un certain temps. L’infection devient alors latente.
Dans certains cas, la maladie peut devenir chronique. Les symptômes primaires et secondaires ne sont plus apparents et le malade n’est plus contagieux, mais l’infection demeure présente et peut affecter les organes vitaux du patient. Les symptômes peuvent alors revenir périodiquement.
La syphilis est facilement contrôlée par un traitement antibiotique. « Une seule injection d’antibiotiques suffit à guérir l’infection, si le traitement survient dans l’année qui suit la contraction de la maladie. C’est un traitement très efficace », signale Dre Kandola. Au-delà de ce délai, quelques injections d’antibiotiques pourraient être nécessaires.
Non traitée, la syphilis peut entrainer de graves complications dont des troubles neurologiques, des maladies cardiaques et même la mort.
Dépistage et prévention
Le Dre Kandola encourage tous les Ténois actifs sexuellement à se faire dépister pour les ITS et tout spécialement les jeunes et ceux qui ont plus d’un partenaire sexuel. Le service est accessible dans toutes les communautés sur rendez-vous ainsi que dans certaines cliniques sans rendez-vous, dont le Centre de soins primaires de Yellowknife. Le test consiste en une prise de sang et la collecte d’un échantillon d’urine.
« Si vous avez un médecin de famille, vous pouvez prendre rendez-vous auprès de lui, détaille l’hygiéniste en chef. Il est également possible de consulter une clinique sans rendez-vous aux heures habituelles. L’autre option, que nous ne recommandons pas du tout, est de se rendre à l’urgence. »
En raison du risque de transmission de l’infection au fœtus, les femmes enceintes sont particulièrement visées par la campagne de dépistage. On recommande d’être testée trois fois durant la grossesse.
Il se pourrait que des heures d’accueil sans rendez-vous supplémentaires soient ajoutées à la Clinique de soins primaires de Yellowknife et on envisage également la possibilité de permettre au public de se rendre directement au laboratoire de la Clinique pour effectuer les tests. Ces mesures ne sont toutefois pas encore en place.
Hormis l’abstinence, l’emploi systématique du condom lors de chaque rapport sexuel demeure le moyen le plus efficace de prévenir les ITS, dont la syphilis.
Campagne de sensibilisation
Une vaste campagne de sensibilisation doit être déployée pour renseigner le public sur les risques d’infection à la syphilis et pour encourager le dépistage. Des publicités seront placées dans les centres de santé, dans les bars et dans les médias.
Il est également question de diffuser des messages sur les sites et applications de rencontre.
« Nous serons présents sur Tinder et Grindr », confirme la Dre Kami Kandola, sans préciser exactement la façon dont les messages seront diffusés sur les applications de rencontres.
« Nous voulons interpeler la population à risque là où elle se trouve », explique l’hygiéniste en chef.
Une ligne infosanté spéciale a également été mise en place par la direction de la santé publique. On peut communiquer anonymement par messagerie texte en signalant le 867-446-5113.
En français
Les services et mesures déployés pour dépister les infections et freiner la progression de la maladie seront accessibles en français, assure le ministère de la Santé et des Services sociaux. Toutes les campagnes d’affichage publiques seront déclinées en anglais et en français et les standardistes qui opèrent la ligne téléphonique spéciale sont censés être en mesure de répondre aux requêtes en français.
Lorsque L’Aquilon a envoyé un message texte en français au standard, demandant où et comment être dépisté pour les ITS, une réponse bilingue nous est parvenue une dizaine de minutes plus tard nous suggérant d’appeler pour prendre rendez-vous. Un second message est demeuré sans réponse.
Lorsque nous avons appelé le numéro qui nous a été soumis, une réceptionniste unilingue anglophone a répondu et la prise de rendez-vous a été effectuée en anglais. Un service d’interprétation nous a été offert en anglais, mais il aurait occasionné des délais de traitement.
Quant aux langues officielles autochtones, le ministère affirme être disposé à répondre aux requêtes dans ces langues, mais uniquement si une demande survient. L’intention n’est pas de traduire activement dans ces langues les campagnes de sensibilisations publiques. Si une personne devait envoyer un message texte dans l’une ou l’autre des langues crie, inuvialuites ou dénées, on prendrait alors les mesures nécessaires pour répondre dès que possible dans la langue du demandeur.
« Mais il n’y a jamais eu, dans tout le ministère, une seule demande en langue autochtone acheminée par messagerie texte », précise un porte-parole du ministère.