Francophones, Autochtones, même combat ?
Dans le cadre du forum communautaire organisé par la Fédération franco-ténoise le 28 septembre 2019, un panel s’est penché sur les relations entre Autochtones et francophones. Le but des échanges était d’explorer les occasions de bâtir des ponts et de proposer des schémas de collaboration entre ces communautés. J’ai eu l’insigne honneur de participer à ce panel en tant que francophone et immigrante.
Oui, nous avons une législation aux TNO qui protège onze langues officielles, mais le chantier est énorme, aux dires de Mme Tammy Steinwand-Deschambeault, présidente du Comité sur les langues officielles. Elle a brossé le portrait des priorités et des différents projets en cours pour la préservation et la revitalisation des langues autochtones parlées aux TNO. Les défis sont nombreux et Mme Steinwand-Deschambeault a souligné le déséquilibre entre les ressources dédiées à la revitalisation des langues autochtones et les besoins aussi divers qu’immenses dans ce domaine. Elle dénonce comme une injustice que le français, reconnu aussi comme langue officielle au niveau fédéral, obtienne la part du lion au chapitre du financement pendant que les langues autochtones se partagent des sommes moindres.
Si elle reconnait que des bénévoles et des personnes-ressources ont aussi un grand rôle à jouer et que les communautés concernées se doivent de s’impliquer dans ces efforts de revitalisation, elle souligne que des moyens financiers manquent pour engager les jeunes et ainsi adapter les langues autochtones aux usages quotidiens qui assurent la vitalité d’une langue. Oui, les langues sont enseignées dans les écoles, mais ce n’est pas assez, cela devrait aller plus loin, il faudrait entre autres rendre les langues accessibles aux jeunes dans leurs loisirs et pour leurs apprentissages on the land. Par ailleurs, si certaines matières comme les sciences ne peuvent être enseignées en langues autochtones, car il faudrait alors inventer les termes de plusieurs concepts, les traditions et les enseignements de la Terre, considérée comme mère spirituelle, ne peuvent qu’être transmises dans les termes vernaculaires.
Un combat commun
Dans ce contexte, puisque nous menons le même combat, la survie et la revitalisation de nos langues et cultures respectives, comment pouvons-nous nous allier plutôt que se faire concurrence dans la course au financement ? Ce pourrait être en adaptant nos projets et allouant nos ressources financières pour s’entraider. Un exemple concret est le Collège nordique francophone, qui travaille à développer des outils pédagogiques basés sur les cultures autochtones dans les cours de langue. Les panélistes soulignent qu’il faut s’assurer de consulter les communautés autochtones pour garantir la qualité de ces outils pédagogiques et en même temps fournir du travail aux personnes consultées. Par ailleurs, le futur Centre culturel communautaire francophone pourrait accueillir des artistes autochtones qui souhaitent exposer leurs œuvres, ou présenter des productions théâtrales. La maison d’édition Présence francophone pourrait collaborer à des projets d’édition pour encourager des auteurs autochtones à publier leurs œuvres.
Les nouveaux arrivants
Une réflexion de Georgina Franki, Elder-in-training et professeure de Tli?cho au Collège nordique m’a spécifiquement interpelée. Elle a exprimé le souhait de voir les nouveaux arrivants s’adresser à elle en Tli?cho.
2019, Année internationale des langues autochtones
Selon l’UNESCO, une langue s’éteint toutes les deux semaines. Au Canada, seules trois langues autochtones survivraient si rien n’est fait à terme pour y remédier.
En février 2019, le gouvernement canadien a déposé la Loi sur les langues autochtones visant à protéger et à revitaliser les langues autochtones au Canada. Il reste à voir si le gouvernement soutiendra cette revitalisation de manière durable et fiable.
Au Québec, la Loi 101 a permis de franciser les enfants des immigrants en leur interdisant l’accès aux écoles anglophones. Cette loi est l’assurance-vie du français au Québec. Mais le français jouit d’un statut particulier, celui d’être la langue d’un des deux peuples fondateurs de la Confédération. Est-ce que les langues autochtones peuvent revendiquer un tel statut ? Peut-on encourager sinon exiger l’enseignement d’une langue autochtone locale aux enfants des non-Autochtones et des immigrants en particulier ? C’est une des pistes à explorer.
La Déclaration
Le 24 octobre 2019, le gouvernement de la Colombie-Britannique a introduit le projet de Loi 41 visant la mise en œuvre de la Déclaration des Nations Unies sur les Droits des peuples autochtones. C’est la première province au Canada qui se positionne véritablement dans une démarche favorable aux nouvelles relations, d’égal à égal, entre les gouvernements autochtones et non autochtones. Il est à espérer que d’autres administrations emboitent le pas, notamment le gouvernement fédéral, pour harmoniser la législation avec cette déclaration.
L’article 31 de cette déclaration consacre la relation ombilicale entre la protection des connaissances traditionnelles et la préservation de l’identité culturelle et de l’intégrité des peuples autochtones.
Cela fait plusieurs années que la démonstration a été faite que le développement durable passe nécessairement par la protection de la biodiversité, et que la protection de la biodiversité passe nécessairement par la préservation du patrimoine culturel des peuples du monde et en particulier, des populations autochtones et des communautés locales. Il est évident que la solidarité entre communautés, surtout celles dont les langues et les cultures sont menacées, peut avoir un effet concret sur la préservation du patrimoine culturel mondial et, in fine, la sauvegarde de la planète en dépend.
En ce qui me concerne, je vais apprendre le Tli?cho pour pouvoir dialoguer avec Georgina et, si possible, apprendre davantage de cette Ainée en devenir.