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le Vendredi 30 octobre 2020 12:23 Société

Résidence permanente Bientôt des solutions à l’injustice des tests

Résidence permanente Bientôt des solutions à l’injustice des tests
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Pour les nouveaux arrivants des trois territoires, la nécessité de passer des examens qui ne sont dispensés que dans les provinces du Sud constitue une barrière à l’atteinte de la résidence permanente. Et les embuches sont encore plus nombreuses pour les francophones. Or la donne est en train de changer.

Les structures se mettent doucement en place aux Territoires du Nord-Ouest et au Yukon pour que les immigrants en processus d’acquisition de la résidence permanente puissent y passer des tests médicaux et linguistiques en français.
Ces examens sont obligatoires. Présentement, les immigrants qui résident dans les territoires canadiens doivent se rendre dans le Sud, à leurs frais, pour les passer.

« L’Agence de Santé et de Services sociaux des Territoires du Nord-Ouest a accepté de travailler à mettre en place des examens médicaux dans les deux langues [anglais et français] », annonce le directeur général du Conseil de développement économique des Territoires du Nord-Ouest (CDÉTNO), François Afane. Il y aura donc bientôt à Yellowknife un médecin désigné approuvé par Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada.

Ce progrès est le résultat de longues conversations entre le gouvernement ténois et le Yellowknife Immigration Partnership, de dire M. Afane, qui souligne le leadeurship de la directrice générale de la Fédération franco-ténoise, Linda Bussey, dans ce dossier.

Des tests linguistiques
Ce sont des compagnies privées, sous-traitées par le ministère de l’Immigration, qui dispensent les tests de compétence linguistique. Le Collège Aurora a déjà été l’hôte, sur une base ponctuelle, des tests en anglais de la compagnie Paragon.
Le Collège nordique francophone, qui offre déjà une gamme étendue de programmes de langue, serait sur le point de signer une entente avec Paragon afin de pouvoir offrir les tests de façon régulière à Yellowknife. À cet effet, le collège a reçu du financement du gouvernement des TNO pour l’acquisition de matériel informatique.

« Ça fait six mois qu’on travaille avec la compagnie, de dire la directrice générale du Collège nordique, Josée Clermont. Ils ont des critères très rigoureux pour qu’on puisse devenir un centre d’évaluation. Ça va de la formation du personnel à la grandeur de la salle, l’équipement… »

Si tout se déroule comme prévu, le collège pourra dispenser des tests d’anglais dès décembre. Le CNF, qui estime qu’environ 70 immigrants passeront des tests linguistiques chaque année, est présentement en pourparlers avec une société qui administre les tests de français. Selon Mme Clermont le processus d’accréditation pour dispenser les tests de français serait plus simple.

« Ce sera très facile, assure Mme Clermont. […] Si la demande est là, nous devrions être en mesure de l’offrir [le test de français] en mars 2021. »

Le fait d’avoir déjà l’équipement pour les tests en anglais, dit-elle, facilitera l’accréditation pour le français.

Au Yukon
Au Yukon, les immigrants qui tentent d’obtenir la résidence permanente n’ont accès qu’aux tests d’anglais, à l’Université du Yukon.

« La plupart des gens [qui veulent le passer en français] vont en Colombie-Britannique, affirme Jeanne Brais-Chaput, agente d’immigration à l’Association franco-yukonnaise (AFY). Ils payent de leur poche. »

L’AFY a longtemps demandé, sans succès, que les examens puissent se faire en ligne. Toutefois, selon certaines sources, l’organisme pourrait annoncer dès la semaine prochaine que les tests de français pourront désormais se faire à Whitehorse.

Quant aux examens médicaux, ils peuvent se faire dans la capitale, mais en anglais seulement.

Au Nunavut
Au Nunavut, on est encore loin des progrès anticipés dans les deux autres territoires. Que ce soit pour l’anglais ou pour le français, les immigrants en processus de résidence permanente doivent se rendre dans le Sud pour passer le test, généralement à Montréal ou à Ottawa. Et la situation ne semble pas être sur le point de changer, observe le directeur général de Carrefour Nunavut, Francis Essebou.

« Le problème ici, analyse M. Essebou, c’est qu’il n’y a pas de programme d’immigration. Ça démotive les gens. »
Le dossier, rappelle-t-il, était d’abord sous la responsabilité du premier ministre et fait maintenant partie du cahier de charges du ministère des Services à la famille.

« Ce n’est pas évident que le gouvernement mette de l’avant ce genre de choses [les tests linguistiques], alors qu’il n’a même pas de programmes pour les immigrants » avance. M. Essebou.

À l’heure qu’il est, M. Essebou ignore toujours si le Sommet de l’immigration nordique, qui devait se tenir à Iqaluit début décembre, aura lieu. Si c’est le cas, il compte y partager ses doléances sur les manques à gagner.

Des couts
Amin Kessab, un informaticien de Yellowknife de citoyenneté française, a dû se déplacer dans le Sud en aout dernier pour passer ses tests linguistiques, sous peine de perdre son droit de travailler et de demeurer au Canada.

Il calcule avoir déboursé 1220  $ pour un billet d’avion, l’hébergement et les examens. Il considère « très frustrant » d’avoir eu à dépenser tout cet argent. S’il avait habité dans une province du Sud, le processus aurait beaucoup moins onéreux.
À Vancouver, il a choisi de passer les tests d’anglais. « C’est plus facile pour l’orthographe et la conjugaison », concède-t-il.

Pendant la quarantaine obligatoire, à son retour aux TNO, il a pu faire du télétravail à domicile. Il considère que son patron s’est montré « très compréhensif » envers lui.

Des impacts multiples
Pour François Afane, l’obligation de sortir des TNO pour passer les examens nécessaires à l’obtention de la résidence permanente a de nombreuses conséquences, tant au plan collectif qu’individuel. « Ça a un impact énorme sur la capacité à retenir les immigrants, affirme-t-il. Certains s’en vont. Or, selon une règle de marketing, un client insatisfait t’en fait perdre cinq. Le bouche-à-oreille est très fort chez les immigrants. »

Cette perte de population immigrante, corroborée par deux autres intervenants, a également un impact sur le montant des transferts fédéraux que reçoit le gouvernement des TNO pour chaque citoyen ténois, observe M. Afane.

Enfin, alors que les employés ne sont pas toujours remplacés durant leur séjour à l’extérieur et durant la période de quarantaine, le directeur du CDÉTNO déplore en outre un impact sur la productivité.

M. Afane évalue à « plusieurs dizaines par année, anglophones et francophones confondus » le nombre d’immigrants appelés à se déplacer dans le Sud pour y passer des tests. Une expérience qu’ils doivent parfois répéter, puisque le taux d’échec est élevé. « Souvent, les gens échouent », constate M. Afane, qui considère qu’il faudrait réaliser étude approfondie des conséquences de cette problématique particulière aux territoires.