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le Jeudi 12 novembre 2020 16:55 Société

État d’urgence à Yellowknife Le gouvernement à la rescousse des sans-abris

État d’urgence à Yellowknife Le gouvernement à la rescousse des sans-abris
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Face à l’impasse bureaucratique qui aura privé plusieurs sans-abris d’un lieu où se réchauffer à l’arrivée du temps froid, le gouvernement a mis son pied par terre le 6 novembre, et forcé l’installation rapide d’un centre de jour temporaire au centre-ville de Yellowknife jusqu’au 31 mai 2021.

N’en déplaise aux réfractaires, les sans-abris de la capitale ténoise sont maintenant accueillis à l’édifice de l’ancien bâtiment de la sécurité minière, situé à l’angle de la 50e rue et de la 49e avenue, édifice qui a également accueilli pendant plusieurs années la maison des jeunes Side Door. Le GTNO a dû décréter l’état d’urgence à Yellowknife pour imposer cette option, qui avait été rejetée, en aout dernier, par le conseil municipal, en raison de l’opposition de commerçants et résidents du secteur.

Kaitlyn a quitté le Nunavut et vit présentement à Yellowknife. Elle espère trouver un emploi dans le domaine de la chasse, mais, pour l’instant, elle et sa sœur n’ont pas de logement.

Face aux portes closes du centre de jour, réduit à une capacité de 30 personnes à cause de la COVID-19, les deux femmes ont dû passer plusieurs journées glaciales dans les rues. « J’ai dû être patiente, faire la ligne simplement pour utiliser la salle de bain, et y rester le plus longtemps possible pour me réchauffer les mains ! », résume Kaitlyn, souriante malgré les -22 degrés au thermomètre.

Le nouveau centre de jour temporaire a ouvert ses portes dès le 9 novembre avec une capacité de 15 usagers, avec l’espoir de bientôt l’augmenter à 25 usagers.

Décision au sommet
En près de trois mois de délibérations infructueuses, le ministère de la Santé et des Services sociaux aura soumis 26 propositions de bâtiment au conseil municipal de Yellowknife, dans le but de pallier la réduction de la capacité maximale du centre de jour officiel, contraint par les règles d’éloignement physique. Toutes ces options ont dû être écartées, tandis que la courbe de température poursuivait sa descente. En vertu de la Loi sur la gestion des urgences du territoire, la ministre des Affaires municipales et communautaires, Paulie Chinna, a alors usé de son pouvoir d’acquérir l’édifice du centre-ville pour lui attribuer cette vocation temporaire.

Cette décision balaie tout recours aux lois et règlements municipaux qui se sont jusqu’à maintenant dressés devant le projet – un seul résident a le pouvoir de porter le choix d’un bâtiment en appel et de faire retarder le processus de plusieurs mois. Selon la mairesse de Yellowknife, Rebecca Alty, le conseil municipal accueille aujourd’hui très favorablement cette intervention du gouvernement des TNO.

« Les règlements de zonage, ainsi que la Loi sur la planification et le développement communautaire, sont très stricts, explique-t-elle, et ne reconnaissent pas une situation d’urgence comme celle-ci. C’est pourquoi il a été si difficile de faire avancer ce dossier, malgré toutes les options. La Loi sur la gestion des urgences est là en cas d’urgence, et nous sentons que c’est une urgence. Nous apprécions cette occasion d’utiliser un tel outil législatif. Le recours à cette loi nous a permis d’avancer beaucoup plus rapidement. »

Des craintes dans le secteur
Aux yeux du ministère de la Santé et des Services sociaux, responsable de ce centre de jour, le bâtiment retenu dans le centre-ville est idéal, puisque seuls des aménagements et des rénovations mineures y sont nécessaires. Or, certains résidents – incluant des conseillers municipaux – avancent que ce secteur ne se porte pas à une telle cohabitation. Relevant certains incidents, parfois violents, déplorés l’an dernier autour du centre de jour officiel de Yellowknife, certains commerçants disent craindre pour la sécurité et le bon fonctionnement de leur établissement.

Le magasin Overlander Sports est voisin de l’édifice en question. Ses propriétaires se sont opposés au projet l’été dernier et le gouvernement territorial les a conviés à une rencontre le 6 novembre. Le but, entamer une entente de bon voisinage.
Le gérant du commerce, Jordan Crosby, dit comprendre, malgré tout, que cette décision s’imposait. « Initialement, nous n’avions jamais pensé ouvrir un magasin de détail à côté d’un tel établissement, souligne-t-il. On nous a consultés dès le début et nous avons offert une réponse honnête. Nous avons tout de même eu de bons échanges avec l’équipe du centre, et je crois qu’en ce moment, tout le monde est à l’aise avec la situation. »

Entente de bon voisinage
Clôtures, caméras de surveillance, sécurité accrue à l’extérieur du bâtiment… Au regard des commentaires recueillis, le gouvernement a implanté certaines mesures d’atténuation vouées à limiter les risques de vandalisme, de cambriolage ou de bagarre liés à certains usagers du centre. Les commerçants et résidents seront également conviés à des rencontres mensuelles avec des représentants de la municipalité, du territoire et de la GRC, pour exprimer leurs besoins.

Cette formule de consultation sera calquée sur une initiative prise autour du centre de jour officiel qui, selon Rebecca Alty, a fait ses preuves. « Chaque mois, on discute de ce qui s’est passé et des appréhensions des résidents, explique la mairesse. C’est une occasion de donner des suggestions. Les gens peuvent également appeler le gouvernement des TNO en tout temps s’il y a un problème, mais les voisins du centre de jour ont indiqué que cette formule fonctionne bien, et nous allons la reproduire pour ce nouveau centre de jour. »

De son côté, Jordan Crosby n’entend pas remettre la décision du gouvernement en question, et compte affronter les défis lorsqu’ils se présenteront. « Je ne m’attends à rien du gouvernement, indique-t-il. Tout ce que j’espère, c’est qu’on nous écoute, et qu’on sera ouverts à nous appuyer lorsque nous rapporterons des problèmes et que nous émettrons nos suggestions. Dans tous les cas, nous sommes heureux que ces gens aient enfin accès à un refuge.