le Vendredi 20 juin 2025
le Vendredi 20 juin 2025 11:41 Société

Campement à Yellowknife : « Ils méritent d’être traités avec dignité et respect »

 L’avocat Peter Adourian représente bénévolement plusieurs occupants du campement installé à Yellowknife.  — Photo Pat Kane
L’avocat Peter Adourian représente bénévolement plusieurs occupants du campement installé à Yellowknife.
Photo Pat Kane
L’avocat Peter Adourian, qui représente bénévolement les personnes sans abri du campement, juge cette situation inacceptable. Il en appelle à une action conjointe des gouvernements et à plus d’écoute et de solidarité de la part des citoyens.
Campement à Yellowknife : « Ils méritent d’être traités avec dignité et respect »
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Avocat bénévole pour les sans-abri, Peter Adourian joue les intermédiaires entre les résidents du nouveau campement près du musée de Yellowknife et les autorités. À la demande de trois d’entre eux, il porte leur voix pour réclamer des infrastructures de base – toilettes, eau, électricité, poubelles – et alerter sur l’urgence d’agir. Dans cet entretien, il défend une approche humaine, collaborative et rappelle une vérité simple : vivre sous une tente ne fait disparaître ni la dignité ni les droits.

Il y avait déjà un campement installé au centre-ville depuis quelques semaines. Comment la décision a-t-elle été prise de le déplacer vers ce nouveau site près du musée ? Qui a pris cette décision ?

Mes clients étaient effectivement installés derrière le Northern Lights Motel. J’ai immédiatement organisé des rencontres avec la Ville de Yellowknife ainsi qu’avec des représentants du GTNO, en particulier des ministères de l’Habitation et des Affaires autochtones. Je leur ai dit que mes clients cherchaient un endroit où ils pourraient rester sans avoir à déménager à nouveau cet été et ils m’ont donc demandé de contacter le gouvernement pour essayer de collaborer et trouver un emplacement convenable pour un campement. Pendant tout le mois de mai, j’ai eu des échanges réguliers avec les deux ministères et la Ville. Le seul terrain qui semblait approprié se trouve dans une zone située à peu près entre l’abri de jour et l’Assemblée législative. Ce site éloigné du centre, qui n’est pas situé sur une propriété privée, a été choisi en concertation avec le GTNO et la Ville. À l’heure actuelle, ils sont dans un endroit où ils ne dérangent personne, à part le musée. J’ai d’ailleurs déjà pris contact avec les responsables de celui-ci – qui relève bien sûr du GTNO – pour m’assurer que mes clients puissent être de bons voisins pendant leur présence sur place.

À quel point le besoin en infrastructures comme des toilettes, des poubelles ou du matériel de prévention des incendies est-il urgent ?

Le besoin est très urgent. Et je tiens à souligner que ce ne sont pas seulement des besoins pour les résidents du campement, mais aussi des besoins qui concernent l’ensemble de Yellowknife. Par exemple, si nous avons une poubelle sur le site du campement, cela signifie qu’il y aura moins de déchets jetés au sol.

Les personnes sans-abri ne veulent pas être une nuisance. Elles veulent juste pouvoir faire les choses ordinaires que tout le monde fait : boire de l’eau, recharger leur téléphone, jeter leurs déchets, aller aux toilettes. Et si le gouvernement peut fournir ces choses de base dans le campement, cela réduira considérablement la pression sur les commerçants et les résidents.

De votre point de vue, est-ce la responsabilité du gouvernement, de la Ville, ou des deux ?

Je dirais que c’est la responsabilité des deux. La Ville et le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest ont des compétences qui se chevauchent. L’itinérance et le logement relèvent du GTNO, mais certains aspects dépendent de la Ville, comme le zonage, la collecte des déchets, et plusieurs autres éléments, y compris la sécurité. Tout cela concerne les deux paliers de gouvernance et je souhaite sincèrement voir le GTNO et la Ville travailler ensemble pour résoudre les nombreux problèmes liés à l’itinérance dans notre ville.

C’est une vie extrêmement stressante. C’est quelque chose que nous, qui avons un toit, ne pouvons tout simplement pas imaginer.

— Peter Adourian, avocat bénévole pour les sans-abri

Pensez-vous que la situation va bientôt évoluer ? Sont-ils ouverts à cette demande ?

D’après ce que je comprends, ils y sont ouverts. La question, c’est de savoir à quoi se destinent les fonds disponibles, et ce qu’ils estiment approprié pour cet emplacement. Comme je l’ai dit, je suis prêt à continuer à discuter avec eux des besoins sur le terrain, mais ce sera à eux de décider lesquels ils sont en mesure de prendre en charge.

Lors de la réunion du conseil municipal lundi, la conseillère Cat McGurk a également parlé de l’urgence d’avoir de l’eau potable sur place.

Nous avons tous accès à l’eau courante chez nous et dans nos bureaux. Ces personnes-là, non. C’est donc très important de leur fournir une source d’eau qui leur soit dédiée. C’est un droit humain fondamental.

Pensez-vous que le gouvernement et la Ville assument suffisamment leurs responsabilités ?

Je pense que les deux paliers de gouvernance cherchent des solutions, pas seulement pour les personnes en situation d’itinérance, mais aussi pour les autres habitants de la ville qui sont affectés par cette réalité. J’ai l’impression qu’ils se concentrent souvent sur les témoignages des commerces locaux et des résidents du centre-ville. Ce que j’essaie d’apporter dans cette discussion, c’est la voix des personnes sans abri et des résidents du campement – mes clients en particulier – qui ne se considèrent pas du tout en conflit avec les résidents ou les commerçants du centre-ville. Ils souhaitent vivre en coopération, en collaboration avec eux.

Comment percevez-vous le cadre juridique et politique actuel concernant l’itinérance à Yellowknife ?

La Loi entourant les campements est très claire : si un campement de tentes est installé en violation d’un règlement municipal, les personnes ne peuvent pas être expulsées de ces tentes ou de ce terrain tant qu’il n’y a pas suffisamment de places disponibles en refuge. Autrement dit, on ne peut pas les retirer d’un endroit s’il n’y a pas d’alternative pour les accueillir. En ce moment, il n’y a tout simplement pas assez de lits disponibles. Les statistiques du GTNO montrent que les refuges ont été utilisés à environ 87 % de leur capacité, avec 13 % de places libres. Ces chiffres concernent la période allant d’octobre à avril – donc, en hiver. Et on sait qu’en été, il y a beaucoup plus de personnes en situation d’itinérance à Yellowknife. 

Actuellement, il n’y a donc pas assez de places, et à mon avis, toute tentative de les faire partir de ce terrain échouerait. Cela dit, plutôt que d’entrer en litige avec le gouvernement, nous préférons travailler en coopération. Je suis encouragé par les efforts de la Ville et du GTNO et optimiste en ce qui concerne la nouvelle politique fédérale visant à accélérer les projets de construction. Je pense que cela pourrait aider le GTNO et la Ville à faire avancer plus rapidement leurs propres projets. 

Que peuvent faire les résidents de Yellowknife pour aider ces personnes ?

Les traiter avec respect. Les écouter. Écouter ce qu’ils disent quand ils demandent de l’argent, quand ils demandent de la nourriture. Donner avec générosité. Je pense que c’est à chacun de nous de faire preuve de générosité avec ce que nous avons, avec nos ressources. Et peut-être faire preuve d’un peu de patience envers le GTNO et la Ville pendant qu’ils cherchent des solutions à long terme.

A court terme, tant que ce campement existe, soyez patients avec vos gouvernements : ils essaient de faire les choses correctement.

Qu’aimeriez-vous que le public comprenne mieux à propos des personnes qui vivent dans ces campements ?

Si certaines personnes ont du mal avec l’attitude ou l’état mental et émotionnel des personnes sans-abri, je leur demanderais de se mettre à leur place : imaginez que vous dormiez dehors, sans porte fermée à clé, sans savoir où vous allez dormir la nuit suivante. C’est une vie extrêmement stressante. 

La prochaine fois que vous croisez quelqu’un dans la rue, ne pensez pas seulement au fait qu’il a peut-être une dépendance ou des troubles mentaux – pensez au fait qu’il n’a probablement pas bien dormi ou mangé depuis des jours, des semaines, voire des mois. Ce sont des choses simples, mais fondamentales, qui influencent notre capacité à interagir avec les autres de façon respectueuse. Et si vous ajoutez à cela la solitude et l’épuisement de devoir gérer toutes les autres choses de leur vie, on se retrouve avec des personnes qui sont extrêmement stressées, épuisées, et cela aura forcément un impact sur leur capacité à être aimables ou à se conformer aux attentes de la société.