Albert Nitsiza, 65 ans, a vécu plusieurs semaines dans la fumée qui enveloppait sa maison de Whatì. L’incendie au sud brulait depuis le début d’aout, se rapprochant peu à peu de la communauté. Au cours de la dernière semaine, la brume s’est épaissie. « Je ne pouvais même pas voir à 500 mètres de ma maison », se souvient-il. Puis, tôt le matin du vendredi 29 aout, quelqu’un a frappé à sa porte. « C’était un jeune, il m’a dit : “Albert, vous devez partir”. »
L’ordre d’évacuation
Pour M. Nitsiza et les 600 habitants de Whatì, l’ordre était à la fois attendu et brutal. La communauté avait déjà été avertie de se préparer à quitter les lieux, alors que le feu ZF048-25 s’était rapproché à moins de sept kilomètres de l’aéroport. « Jeudi, on voyait la fumée entrer dans la communauté », raconte-t-il. Le lendemain matin, le centre culturel accueillait la GRC, des infirmiers et des bénévoles chargés de coordonner le départ.
Un véhicule du hameau a aussi circulé dans les rues, hautparleur sur le toit. « Ils disaient en anglais et en tlicho : “Vous devez partir, évacuez, rendez-vous au centre culturel” », relate M. Nitsiza. Il a aussitôt pris en charge son oncle, en situation de handicap, pour le conduire jusqu’au centre. Sur place, des ainés, des personnes handicapées et des familles arrivaient à pied ou en voiture, en attendant les autobus venus de Behchokǫ̀ pour emmener ceux qui n’avaient pas de véhicule.
« On a juste pris quelques vêtements et verrouillé la maison, » dit-il. Certains sont partis avec seulement deux tenues, d’autres avec un coupon d’essence de 50 $ distribué avant le départ.
À Yellowknife, dans l’attente
Depuis ce vendredi, de nombreux évacués se trouvent à Behchokǫ̀ et à Yellowknife. Le Fieldhouse de la capitale a été transformé en centre d’accueil, offrant trois repas par jour et de quoi dormir. Mais la capacité est limitée. La première ville des TNO rappelle que l’inscription est obligatoire et que les services sont attribués par ordre d’arrivée.
M. Nitsiza a choisi de loger à l’hôtel, à ses frais. « Je vais juste prendre mes repas là-bas [au Fieldhouse] parce que je dors à l’hôtel. Je paie ma propre chambre jusqu’à mardi soir. Après, je ne sais pas », a-t-il confié à Médias ténois. Ce choix est lié à sa santé : « J’ai des problèmes de sinus. Quand il y a beaucoup de fumée, j’ai la gorge sèche, les yeux qui brulent, les oreilles qui chauffent. J’ai dû voir l’infirmière. »
Il espère toutefois un soutien rapide : « D’après ce que j’entends, on devrait recevoir quelque chose du gouvernement, un peu d’argent. »
On n’a pas assez de nouvelles. Les gens s’inquiètent de savoir quand ils vont rentrer.
Le poids de l’incertitude
Pour l’instant, la vie est marquée par l’attente et le manque d’information. « On n’a pas assez de nouvelles. Les gens s’inquiètent de savoir quand ils vont rentrer », explique-t-il.
Pendant ce temps, les images continuent de circuler : « Hier soir, j’ai vu des photos. Il y a encore des flammes immenses. Et de grands arbres, de grands troncs qui brulent. »
Le 2 septembre, le feu ZF048-25 se trouvait encore à sept kilomètres de l’aéroport de Whatì. Les équipes de pompiers poursuivaient les opérations de brulage dirigé et de nettoyage pour créer une zone coupe-feu. Des systèmes de protection des bâtiments restaient en place. Tant que la ligne de confinement ne sera pas entièrement sécurisée, la menace demeurera. M.Nitsiza ne se fait pas d’illusion : « Je ne pense pas qu’on va rentrer avant samedi ou même dans une semaine. »
La solidarité en ville
À Yellowknife, le maire Ben Hendriksen a rappelé l’importance d’accueillir les voisins de Whatì et de Fort Providence : « Nous connaissons tous la difficulté d’être loin de chez soi dans ces moments. Chaque geste compte, qu’il s’agisse d’un repas chaud, d’un endroit sûr ou d’un mot gentil. »
Pour M. Nitsiza, ces gestes de solidarité comptent, même si l’incertitude pèse. « Ça fait presque cinq jours que je suis ici. Tout est à mes frais. Mais au Fieldhouse, on nous donne trois repas par jour. »
Jusqu’à ce que l’incendie soit maitrisé, lui et des centaines d’autres resteront loin de leur maison, dans l’attente d’un autre coup à la porte : celui qui leur dira enfin qu’ils peuvent rentrer.