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le Jeudi 26 mai 2011 11:17 Politique

Potin, poutine et politique Besoin de lunettes

Potin, poutine et politique Besoin de lunettes
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On l’a vue nous aussi, la « vision d’avenir » du premier ministre Floyd Roland.

C’est dans l’indifférence la plus totale (News/North n’a même pas osé un entrefilet!) qu’a été publié, la semaine dernière, Créons notre avenir ensemble : en quête d’une vision commune pour les Territoires du Nord-Ouest, titre-fleuve de ce pavé à 850 000 $ sensé guider la marche de notre destinée collective pour les vingt prochaines années.

Ce n’était pas la première fois que l’on engageait pareil « processus de consultation » en se flattant l’égo, prétendant qu’on allait « engager toute la population » à cogiter « sur le long terme » avec pour seul noble objectif d’assurer que « l’avenir de nos enfants » soit « prospère » et « durable ». Depuis que je réside à Yellowknife, aux moins deux autres de ces ventes de garage de bons sentiments me sont passées sous le nez avec, à chaque fois, assez peu de conséquences palpables à mettre dans l’assiette du contribuable qui paye les per diem et les consultants. L’une d’entre elles était même pilotée par Paul Martin, c’est vous dire si ce rapport a dû prendre la poussière.

À nouveau, on se retrouve avec un document riche en vœux pieux, mais tout à fait exempt de proposition concrète. Fallait-il vraiment se payer un site Web orné de la face à Floyd, quelques pleines pages couleur dans les journaux territoriaux et une série de « tables rondes » aux quatre coins du territoire pour déterminer que les Ténois veulent une économie forte, un environnement sain, une culture vivante et des services sociaux de qualité?

Une des questions que devait résoudre Créons notre avenir ensemble, était le sempiternelle débat sur la pertinence de notre modèle parlementaire dit « de consensus ». Voici la réponse que nous offre l’ineffable feuille de route :

« Le rôle que jouera le gouvernement de consensus dans l’avenir a suscité beaucoup de débats et de discussions. En effet, les participants ont exprimé différentes opinions à ce sujet, notamment : 1) Le style actuel de gouvernement de consensus fonctionne bien et devrait être maintenu tel quel. 2) Le gouvernement de consensus devrait être maintenu, mais être modifié pour que le processus d’élection du premier ministre soit différent. 3) Le présent système de gouvernement devrait être remplacé par un système de partis politiques dotés de plates-formes définies à partir desquelles les électeurs peuvent faire un choix. »

Nous voilà fixés!

Dès le début, j’avais pressenti que cet exercice n’était pas exactement l’incursion du côté de la démocratie participative qu’on essayait de nous faire avaler, mais surtout une baudruche soufflée par les relationnistes du premier ministre. J’ai pris part, voyez-vous, comme représentant des médias francophone, à la toute première rencontre à huis clos devant servir à l’élaboration de ladite vision. Une dizaine de personnes aux opinions fort variées avaient alors émis des propositions précises au premier ministre survolant une kyrielle d’aspects de l’administration territoriale.

Quelques semaines plus tard, j’ai reçu un compte-rendu de la rencontre compilé par la firme de relation publique chargée de « modérer » – c’est le mot qu’ils emploient –  les consultations. De notre journée de débats, on n’avait conservé qu’une page et demie de vagues déclarations consensuelles du type : « les TNO ont besoin d’une économie forte, plus diversifiée, dans ses collectivités » (authentique). Toutes les idées ne cadrant pas dans la philosophie de l’administration – par exemple ma proposition de mettre en œuvre les plans d’aménagement du territoire élaborés par les Premières nations – avaient été systématiquement tronquées.

On ne s’étonnera, avec pareille méthodologie, qu’on se retrouve aujourd’hui avec un plan insipide, impossible à suivre, promettant des bonbons à tout le monde et des caries à personne. Voilà un bréviaire bonne-ententiste où l’on vous suggère à la fois la création d’aires protégées et la réduction des gaz à effet de serre tout en rassurant à satiété de l’indéfectibilité de notre foi en la nécessité d’un développement agressif de la filière hydrocarbure. Je vous jure : on propose là-dedans une offre accrue des services dispensés par l’État et leur privatisation! Bref, le beurre, l’argent du beurre et les fesses de la crémière.

Si le Nord est aussi obsédé par la qualité de sa vision, il devrait commencer par changer de lunettes. Le rose est démodé.

Sitcom

Un autre à qui un ajustement de prescription ferait du bien, c’est le ministre de l’Industrie, du Tourisme et de l’Investissement, Bob McLeod, qui nous a vanté, ces derniers jours, la nouvelle enseigne annonçant aux automobilistes qu’ils franchissent le 60e parallèle.

« Cette nouvelle infrastructure donne une excellente première impression aux visiteurs qui arrivent aux TNO par la route numéro un  », a halluciné le ministre.

Je n’arrive pas à croire qu’on ait payé 150 000 $ pour cette horreur. Il me semble qu’à ce prix-là on aurait pu se payer les services d’un designer. Seule explication rationnelle : la tâche du lettrage a été confiée au petit-neveu du sous-ministre qui se débrouille pas pire avec Word-Art.

On aurait dit le titre d’ouverture d’une sitcom américaine des années 90. Des gouttes, vite, mes yeux chauffent!

Épitaphe

Si un historien s’interroge un jour sur la marge de manœuvre dont jouissaient les ministres au sein du cabinet Roland, il pourra toujours se référer à la courte description qu’en a faite en chambre le ministre Robert McLeod, le 19 mai, alors que l’honorable occupait ses fonctions parlementaires à empiler les badineries.

« Je me souviens du jour où j’ai rejoint [le cabinet] en 2004, s’est remémoré le député d’Inuvik Twin Lakes. Floyd était alors ministre des Finances. À notre première réunion, Floyd nous a dit qu’une des premières choses que nous devions comprendre, c’est que le ministre des Finances et la Cabinet ont toujours raison. Il a dit :²À chaque fois que je lève la main, vous levez la main². »

Je propose que cette dernière phrase soit déclarée épitaphe de la 16e législature. Tous en faveur? Contre? Abstention? Adopté!