Est-ce que le chant de gorge est vraiment un chant ? Contrairement à ce que l’on pourrait penser, il est plutôt assimilé à une joute. C’est une compétition amicale entre deux femmes qui nécessite une grande maitrise de techniques vocales.
L’Aquilon s’est entretenu avec l’artiste de chant de gorge, Akinisie Sivuarapik. Originaire de Puvirnituq au Nunavik, Mme Sivuarapik pratique le chant de gorge depuis son plus jeune âge et a remporté le Prix du Conseil des arts et des lettres du Québec pour l’artiste de l’année au Nord-du-Québec le 2 octobre 2021.
L’Aquilon : Comment avez-vous réagi lorsque vous avez appris que vous alliez recevoir le Prix CALQ ?
Akinisie Sivuarapik : Je me suis sentie très honorée et aussi très fière.
A : Est-ce que le chant de gorge fait partie de votre histoire de famille ?
AS : Le chant de gorge tient une place importante dans mon enfance parce que nous étions principalement des filles dans ma famille, et sa pratique permettait de maintenir un lien spécial avec notre grand-mère.
A : Vous organisez des ateliers pour les jeunes à travers l’Arctique, avez-vous remarqué un intérêt accru des jeunes pour cet art ancestral ?
AS : Il y a de plus en plus de jeunes intéressés par le chant de gorge. Depuis que j’ai obtenu le prix, j’ai reçu des invitations à enseigner dans les écoles du Nunavik dès janvier 2022.
A : En tant qu’artiste, avez-vous rencontré des défis en raison de la pandémie de COVID-19 ?
AS : Pas vraiment, mais mes amis me manquent et c’est difficile, car nous ne pouvons pas voyager depuis près de deux ans.
A : Pourquoi le chant de gorge est-il important et sacré dans la culture inuite ?
AS : Le chant de gorge est très important, car il fait partie de notre culture qui a été revitalisée, à la fin des années 1970, par nos personnes ainées alors que sa pratique avait été interdite par les missionnaires chrétiens.
A : La mélodie du chant de gorge est-elle inspirée par le monde naturel comme le son des vagues ou des oiseaux ?
AS : Nous imitons les sons de notre environnement comme le mouvement de la rivière et du vent. Nous imitons aussi les oiseaux, et (nos mélodies) sont des chansons d’amour pour les enfants. Le chant de gorge est une forme de jeu où il y a un leadeur et un suiveur.
La pratique du chant de gorge à travers les siècles
L’Arctique canadien a été évangélisé par des missionnaires moraves, anglicans et catholiques dès la fin du XVIIIe siècle. C’est surtout au cours du XIXe siècle que l’idéologie chrétienne a eu des répercussions sur une partie de la culture inuite. Les idées chrétiennes se sont rapidement diffusées et le chant de gorge a été interdit. Sous l’initiative de personnes ainées, la pratique du chant de gorge a pris un second souffle dans les années 1970. En janvier 2014, le gouvernement du Québec a inscrit la pratique du katajjaniq (chant de gorge des Inuits au Nunavik) au Registre du patrimoine culturel dans la catégorie du patrimoine immatériel.