le Dimanche 22 juin 2025
le Dimanche 22 juin 2025 10:08 Culture

L’essor de la musique classique au modernisme 28

L’essor de la musique classique au modernisme 28
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En 1910, Maurice Ravel présente la première version de la suite pour piano Ma mère l’Oye, à l’occasion du concert inaugural de la Société musicale indépendante. Cette nouvelle formation, qu’il fonde avec Gabriel Fauré – alors directeur du Conservatoire de Paris et tout juste élu à l’Institut de France – se positionne en rupture avec la Société nationale de musique. Cette dernière revendique une stricte défense de la musique française, tandis que la Société musicale indépendante, elle, prône l’ouverture et refuse l’exclusion des œuvres non françaises. Dans cet esprit, Ravel propose une pièce pour piano à quatre mains, inspirée des contes de Charles Perrault, lors du tout premier concert organisé par la Société en 1910.
Deux ans plus tard, en 1912, Ravel transforme cette œuvre en un ballet orchestral. Il en propose une version élargie qui sera présentée au Théâtre des Arts de Paris, avec Jane Hugard à la chorégraphie. Il y ajoute de nouveaux mouvements et articule l’ensemble autour de cinq tableaux, entrecoupés d’un prélude, de quatre interludes, et concluant sur une apothéose féérique où la Belle au bois dormant s’éveille dans un jardin enchanté. La structure se veut fluide, presque cinématographique, déployant un univers onirique à la croisée des arts.

Ce procédé de création, débutant par une version pour piano avant de s’épanouir dans l’orchestration, se retrouve dans l’une des œuvres les plus emblématiques de Ravel : Daphnis et Chloé. Commencée en 1910, cette composition s’inspire d’un roman antique qui raconte l’histoire de deux enfants abandonnés, recueillis par des bergers. Élevés ensemble, Daphnis et Chloé découvrent peu à peu l’amour, dans les paysages luxuriants de Lesbos, baignés par la lumière et le souffle des légendes grecques.

Le récit atteint son point culminant lors d’une invasion de pirates : Chloé est enlevée, et Daphnis affronte alors de nombreuses épreuves pour la sauver, soutenu par les bergers et le dieu Pan. Ce dernier, figure païenne au corps mi-homme mi-bouc, incarne les forces primordiales de la nature. Il joue une flûte magique – façonnée dans les roseaux où s’est transformée la nymphe Syrinx pour lui échapper – dont les sons envoûtants ravissent les nymphes. À travers Pan, c’est toute une cosmogonie sonore que Ravel convoque, entre sensualité et mysticisme.
L’idée de cette œuvre trouve son origine dans la vision de Serge de Diaghilev, directeur artistique des Ballets russes, qui sollicite Ravel pour composer la musique, en étroite collaboration avec le chorégraphe Michel Fokine. De cette commande naît une œuvre totale, fusion de la musique, de la danse et du mythe, emblématique de l’élan moderniste qui anime la scène artistique du début du XXe siècle.