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le Vendredi 26 septembre 2008 0:00 Éducation

Alphabétisation et littératie: 42 % des Canadiens en dessous du niveau minimum

Alphabétisation et littératie: 42 % des Canadiens en dessous du niveau minimum
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La Fédération canadienne pour l’alphabétisation en français (FCAF) est formelle : 42 % des citoyens canadiens ne sont pas en mesure de fonctionner correctement, car leur niveau d’alphabétisation est trop bas. Ces chiffres proviennent d’une étude sur l’alphabétisation, menée par Statistiques Canada en 1994 et confirmée par une autre enquête sur l’apprentissage, menée en 2003.

Qu’est-ce que l’alphabétisation ? C’est la capacité à lire, écrire, compter et à se former dans ce domaine. « On distingue plusieurs niveaux, explique Sharon Hackett, coordonnatrice intérimaire de projet pour la FCAF. Au niveau 1, la personne est à la limite de la compréhension d’un texte. Elle est tout juste capable, par exemple, de décoder un élément comme le dosage d’un médicament inscrit sur une boîte. Au niveau 2, la personne a un peu de difficulté à saisir la complexité de son contrat de téléphone cellulaire, par exemple. Au niveau 3, le niveau auquel on voudrait que tout le monde soit, les personnes tirent les bonnes conclusions malgré certains pièges de sens qui peuvent être contenus dans un texte. Ce niveau 3 correspond à la fin du secondaire, au moment où les acquisitions sont encore fraîches. Et aux niveaux 4 et 5, il y a peu de monde, car le degré de complexité de traitement des informations est élevé. »

Et ce n’est pas tout. Non seulement près de la moitié de la population canadienne ne dépasse pas le niveau 2, mais les études montrent également qu’il y a une régression. « Entre 1994 et 2003, poursuit Mme Hackett, on constate une perte des connaissances pour ceux qui se situaient au niveau 3, et ils tombent ainsi dans la catégorie du niveau 2. »

On touche ici le cœur de la problématique de la formation continue. Pour Mme Hackett, le Canada ne montre pas une réelle volonté politique d’améliorer l’accès à l’apprentissage continu. « Dans les pays scandinaves, l’apprentissage est un processus qui s’exerce tout au long d’une vie et ces pays ont réussi à inclure cette notion dans leurs cultures, dit-elle. Au Canada, en revanche, l’apprentissage entre dans le cadre d’un emploi, payé par un employeur et, plus on est élevé dans la hiérarchie, plus on a de chance de faire de la formation. Plus on est bas dans la hiérarchie, moins on a de chance. Or ce sont ces populations, en bas de l’échelle, qui ont le plus besoin d’apprentissage. »

Mme Hackett identifie deux courants contradictoires. « Je pense qu’au Canada, il y a une volonté au sein de la société civile de favoriser l’alphabétisation tout au long de la vie, dit-elle. Mais, du côté politique, on constate qu’il y a une mouvance vers une formation de base en alphabétisation pour une plus grande productivité économique. En 2006, il y a eu des coupures néfastes pour l’alphabétisation. Les réseaux agissant dans ce domaine ont été fragilisés. L’approche du parti conservateur n’a pas été favorable à l’apprentissage. J’ai même entendu dire le ministre Flaherty qu’il n’y avait pas d’argent à dépenser pour ceux qui ne réussissent pas leur secondaire. On tend à cantonner l’alphabétisation dans l’éducation, alors que l’alphabétisation touche à tous les domaines de la vie, pour une meilleure santé, pour un meilleur emploi. »

La couverture disciplinaire de l’alphabétisation se révèle donc beaucoup plus large que le fait de lire, écrire et compter. Elle traduit aussi le processus d’apprentissage dans lequel s’engage une personne, pour atteindre une autre capacité appelée la littératie.

Ce terme a émergé à la fin des années 1980. Il englobe les compétences permettant d’utiliser de la documentation que l’on trouve dans son travail, à la maison et dans la collectivité et il concerne aussi les connaissances et les compétences permettant d’utiliser de nouveaux outils technologiques.

Statistiques Canada jette un regard de prospective très pointu sur ce thème, dans une étude de 2003 intitulée « Littératie et apprentissage pour les adultes au Canada ». La population canadienne vieillit très rapidement, l’organisme constate que la baisse du nombre de jeunes et de personnes hautement qualifiées ainsi que les hausses de productivité deviendront de plus en plus tributaires du perfectionnement continu de la main-d’œuvre existante. L’enquête révèle que, malgré ce qui est dit sur une nouvelle société du savoir, les Canadiens n’ont pas suivi davantage de cours d’éducation des adultes en 2003 qu’ils ne l’ont fait en 1994. En fait, leur taux de participation se situait en dessous de ceux des travailleurs des États-Unis, de la Norvège et de la Suisse. Enfin, le Canada a enregistré un net recul de l’éducation et de la formation des adultes chez les personnes au chômage ou inactives.

Comme le souligne la FCAF, il ne suffit plus de savoir lire et écrire. Dans une société vieillissante et qui se complexifie de plus en plus, il faut être capable de mettre les choses en perspective, de développer des fonctions cognitives basées évidemment sur l’alphabétisation. Les défis de la formation continue résonnent sur tous les aspects de la vie. Les personnes aptes à maintenir leurs connaissances et un bon niveau de littératie s’assurent d’une meilleure compréhension de leur environnement, d’une meilleure santé, d’un meilleur emploi, et d’un meilleur engagement personnel dans la collectivité. Mme Hackett travaille sur un projet pancanadien de recherche en alphabétisation. « Nous voulons rassembler et mettre en réseau des chercheurs dans ce domaine, explique-t-elle. Nous avons fait un colloque en avril 2008, dans le but de rassembler des membres de la société civile, scientifique et politique. Nous avons eu 80 personnes à travers le Canada, dont deux représentants de la Fédération franco-ténoise. Les domaines de recherche concernent l’écrit, l’acquisition du langage, la santé, l’emploi et l’employabilité, la formation, l’apprentissage. »

De son côté, le Conseil canadien sur l’apprentissage dévoile que si rien n’est fait en alphabétisation, il y aura peu de progrès, voire aucun, en ce qui a trait aux taux de littératie de Canadiens. En fait, d’ici 2031, 47 % des adultes âgés de 16 ans et plus seront en dessous du niveau 3, soit le niveau reconnu à l’échelle internationale représentant le seuil minimal pour faire face aux exigences de la société d’aujourd’hui.