
« Notre communauté était engagée dans le passé et elle l’est encore aujourd’hui pour faire valoir ses droits » – Audrey Fournier, directrice générale de la Fédération franco-ténoise.
Dans les trois territoires canadiens, et de façon similaire, les communautés francophones sont en pleine croissance et évoluent au fil des arrivées de francophones et de leurs familles venant d’horizons variés comme l’Afrique, l’Europe ou encore l’est du Canada. Non seulement les communautés du Nord se diversifient, mais elles n’en demeurent pas moins dynamiques, tenaces et investies.
Pour Audrey Fournier, directrice générale de la Fédération franco-ténoise (FFT), la communauté francophone des Territoires du Nord-Ouest est mobilisée, engagée et dynamique.
« Notre communauté était engagée dans le passé et elle l’est encore aujourd’hui pour faire valoir ses droits », explique-t-elle.
Les grands mouvements de mobilisation des années 2000 et plus récemment en 2019 et 2025 pour obtenir le droit de recevoir une éducation en français, sont des exemples de la combattivité des Franco-Ténois lorsqu’il est question d’éducation. Ces actions citoyennes ont apporté beaucoup d’acquis aujourd’hui, pense Mme Fournier.
Dans le territoire du Yukon, la communauté francophone est non seulement visible, mais aussi reconnue, dynamique et artistiquement riche d’après Isabelle Salesse, directrice générale de l’Association franco-yukonnaise (AFY).
Au Nunavut, ce sont la diversité et le dynamisme qui caractérisent le mieux la communauté hétéroclite, d’après Christian Ouaka, directeur général de l’Association des francophones du Nunavut (AFN).

Pour Isabelle Salesse, directrice générale de l’Association franco-yukonnaise, les minorités sont toujours à risque de coupes budgétaires.
Un lieu de rassemblement : un défi pour certains territoires
Inauguré en 1989, le Franco-centre d’Iqaluit a été acheté à la fin des années 1980. Ancienne baraque de l’armée américaine datant de la Seconde Guerre mondiale, elle est utilisée aujourd’hui comme lieu de rassemblement communautaire.
Cependant, cette infrastructure vieillissante ne répond plus aux besoins de la communauté qui est en pleine croissance, et un projet de construction d’un nouveau centre en est à ses prémisses. Des demandes de financement, auprès du gouvernement fédéral, ont été déposées depuis plusieurs années afin de faire progresser le projet d’une Maison de la francophonie.
Ce bâtiment aurait pour vocation de réunir les services de l’AFN, des services communautaires. Une salle communautaire permettrait aussi des rassemblements et des activités sociales qui sont de grande utilité aujourd’hui, selon Christian Ouaka. Mais l’appui des différentes instances gouvernementales demeure fondamental. « L’AFN est un organisme à but non lucratif. Nous n’avons pas les finances nécessaires pour aller de l’avant avec un tel projet par nous-mêmes. Nous avons besoin de l’appui du gouvernement fédéral et territorial. »
Aux TNO, aucun centre communautaire n’a encore vu le jour, mais cela n’a pas empêché les francophones de se réunir dès 1978, année de la création de l’Association culturelle franco-ténoise, rappelle Mme Fournier. « Je pense que la communauté francophone s’est rassemblée, mobilisée à maintes reprises depuis plus d’une trentaine d’années », pense-t-elle.
L’idée d’un lieu de rassemblement ne date pas d’hier. Une demande de financement a de nouveau été déposée auprès de Patrimoine canadien à l’automne 2024 et des sessions de travail avec des consultants sont toujours en cours. « Ça fait extrêmement longtemps que c’est sur la table et ça l’est encore aujourd’hui », rappelle la directrice de la FFT.
Depuis que le nouveau gouvernement fédéral a été formé le 13 mai 2025, la FFT sonde les différents financements possibles pour un projet de cette envergure. La pérennité et la question de l’entretien d’une telle structure sont aussi au cœur de l’élaboration de ce projet, car, selon Mme Fournier, il faut être innovant dans les façons de penser.
Le Centre de la francophonie de la capitale yukonaise, tel qu’il est connu aujourd’hui, a été construit à Whitehorse, au début des années 2000. Véritable guichet unique et d’accueil pour les nouveaux arrivants au Yukon, le centre reflète « la volonté d’avoir (dans un lieu unique) les services en français et les services communautaires ». Plusieurs organismes francophones comme le journal L’Aurore boréale ou le Partenariat Communauté en Santé bénéficient aussi de bureaux dans le bâtiment. « L’idée de départ, c’était vraiment d’avoir un guichet unique francophone. Et c’était aussi au moment où on commençait à voir se développer des services en développement économique, en formation. On avait besoin de plus d’espace », se rappelle Isabelle Salesse.
Rester vigilant
Force est de constater que des avancées majeures ont été obtenues par et pour les francophones en situation minoritaire dans les trois territoires. Cependant la vigilance reste de mise d’après Mme Salesse. Les minorités font toujours les frais de coupes budgétaires, en particulier dans le domaine de l’éducation. « Il y a quand même une épée de Damoclès qui est en permanence au-dessus de la tête de la communauté francophone. Il faut donc rester tout le temps vigilant. »
Malgré les lois et les volontés politiques, il suffit qu’il y ait un nouveau gouvernement avec de nouvelles priorités pour que les avancées et acquis des francophones soient remis en question, explique la directrice de l’AFY. Alors que le danger d’assimilation est très présent, Audrey Fournier pense que les droits des minorités ne sont jamais véritablement acquis, car ils seront souvent remis en question d’une façon générale.
« Il faut qu’on soit proactif et que l’on identifie où sont les risques pour essayer de les mitiger. Il faut aussi faire la promotion de ce que la communauté francophone apporte au Canada de façon générale, mais également dans nos régions. »
Que peut-on espérer pour les francophones dans le futur ?
Christian Ouaka espère que la croissance de la communauté francophone au Nunavut va se poursuivre. Il souhaite également que les infrastructures nécessaires à une telle croissance ainsi que les programmes permettant le soutien du cadre social et culturel suivront aussi. « Je souhaite que la communauté continue d’être résilience et que sa croissance soit suivie de l’écosystème nécessaire pour qu’elle soit soutenue. »
Même son de cloche au Yukon. Mme Salesse souhaite que la communauté franco-yukonaise continue de s’épanouir dans un environnement où la mise en œuvre de la Loi sur les services en français est pleine et entière en matière de santé et d’éducation. « Je souhaite aussi que nos personnes ainées puissent vivre leur retraite au Yukon dans la langue de Molière, » précise-t-elle le sourire aux lèvres.
Enfin, Mme Fournier espère qu’un centre communautaire franco-ténois verra le jour prochainement. « Je pense que c’est vraiment important, c’est le cœur d’une communauté d’avoir la capacité d’organiser des repas communautaires ensemble, juste se rassembler quand ça nous tente, de la façon que ça nous tente aussi. Je souhaite aussi que les droits des francophones continuent d’être reconnus, puis que les différents paliers de gouvernement mettent la Loi sur les langues officielles en œuvre, » conclut-elle.
Articles de l’Arctique est une collaboration des cinq médias francophones des trois territoires canadiens : les journaux L’Aquilon, L’Aurore boréale et Le Nunavoix, ainsi que les radios CFRT et Radio Taïga.