Voilà un bien triste journal.
À pareille date, d’accoutumée, nous consacrons ce numéro à la frénésie et au ravissement que nous procure, année après année, depuis quatre décennies, ce bijou de festival qu’on appelle Folk On The Rocks. Mais pas cette fois.
De tous les sacrifices que nous impose la lutte nécessaire contre le coronavirus, celui de la musique meurtrit l’âme. Nietzsche disait que, sans elle, la vie serait une erreur, et nous ne sommes pas loin de faire nôtre l’hyperbole du moustachu philosophe.
Bien sûr, il reste la radio qu’on aime de tout notre coeur et même les concerts en ligne qu’on tente de nous faire avaler depuis un moment. Il faut saluer la résilience des diffuseurs qui se sont tournés vers la toile pour continuer de briller, mais ce n’est pas exactement la même chose. Entendre un musicien dans ses écouteurs ou le regarder gigoter de l’autre côté de son écran n’offre pas le même plaisir que le contact de la scène et la griserie de la foule.
C’était tout un coup de filet pour les assos de Hay River et de Yellowknife de nous présenter, aux fêtes de la Saint-Jean, le grand Zachary Richard. Le Cajun avait un puissant message de compassion et de bienveillance à nous communiquer. Malheureusement, bien peu d’entre nous avons pris le temps de l’écouter. Entre la pêche à la ligne et les réunions Zoom, on sait où roulent les bons temps.
Le poète Jacques Prévert écrivait que c’est en entendant le bruit qu’il a fait en partant, qu’il a reconnu le bonheur. Eh bien, c’est dans le vacarme de leur silence que nous constatons le bien immense que nous procuraient les musiciens et les artisans du spectacle. Que la douleur que nous ressentons à l’absence de concerts nous fasse réaliser la valeur et la nécessité de pouvoir se réunir et communier dans le son et la danse.
Et, lorsque tout cela sera derrière nous, précipitons-nous enfin dans les salles de spectacles !